Pañchatantra ou fables de Bidpai
5e. Livre – V. — Les quatre Savants
Dans un endroit habitaient quatre brahmanes qui avaient de l’amitié les uns pour les autres. Dans leur enfance il leur vint cette pensée : Hé ! quand on va en pays étranger, on acquiert de la science. Puis un jour ces brahmanes prirent résolution ensemble, et allèrent à Kânyakoubdja, pour acquérir de la science. Là ils allèrent dans un couvent où l’on enseignait la science, et ils étudièrent. Lorsque, après avoir ainsi passé douze ans, ils furent tous devenus, par leur application, habiles dans la science, ils se réunirent tous quatre, et dirent : Nous sommes tous arrivés au bout de la science ; prions donc notre précepteur de nous congédier, et retournons dans notre pays. — Faisons ainsi, dirent les brahmanes ; puis ils prièrent leur précepteur de les congédier, et, lorsqu’ils eurent obtenu la permission de s’en aller, ils prirent leurs livres et partirent. Quand ils eurent fait un peu de chemin, deux routes se joignaient. Alors ils s’assirent tous. Là un d’entre eux dit : Par quel chemin irons-nous ? Or comme ces savants cheminaient avec un voyageur qui allait à une réunion de marchands, un âne était là dans un cimetière. Ils dirent : Qu’est-ce ? Alors le second ouvrit son livre et dit : Celui qui reste là est un ami. Ah ! c’est donc notre ami. Ensuite un d’eux se pendit au cou de l’âne, un autre lui lava les pieds. Pendant que ces savants regardaient dans l’espace, ils aperçurent un chameau. Ils dirent : Qu’est-ce ? Alors le troisième ouvrit son livre et dit : La marche de Dharma est prompte. C’est donc Dharma. Le quatrième dit : On doit joindre ce qu’on aime à Dharma. Puis ils attachèrent l’âne au cou du chameau. Quelqu’un alla rapporter cela au teinturier. Quand le teinturier vint pour battre ces sots savants, ils se sauvèrent. Lorsqu’ils eurent fait un peu de chemin en avant, ils rencontrèrent une rivière. Un des savants vit au milieu de l’eau de cette rivière une feuille de palâsa qui s’était approchée, et il dit : La feuille qui vient nous passera. Après qu’il eut dit cela, il sauta sur la feuille ; et comme la rivière l’entraînait, un autre savant, le voyant entraîné, le saisit par le bout des cheveux, et dit :
Quand il s’agit de tout perdre, le sage abandonne la moitié et fait son affaire avec l’autre moitié, car la perte du tout est difficile à supporter.
En disant ces mots, il lui coupa la tête.
Et comme ensuite ces savants poursuivaient leur chemin, ils arrivèrent à un village. Ils furent invités par les villageois et conduits chacun dans une maison. Puis on donna à l’un pour nourriture du vermicelle accommodé avec du beurre et du sucre. Alors le savant réfléchit, regarda dans son livre, et dit : Celui qui est long périt. Après avoir dit cela, il laissa le manger et s’en alla. Au deuxième on donna des mandakas, et il dit : Ce qui est trop étendu ne vit pas longtemps. Et il laissa le manger et s’en alla. A l’autre on donna pour nourriture des légumes hachés et frits dans du beurre. Alors ce savant aussi dit : Où il y a des côtés faibles les maux se multiplient. Ces trois savants s’en allèrent ainsi de cet endroit dans leur pays, le gosier amaigri par la faim et moqués des gens.
Voilà pourquoi je dis :
Ceux mêmes qui sont versés dans les livres ; quand ils ne connaissent pas les usages du monde, tombent tous dans le ridicule comme ces sots savants.
Après avoir entendu cela, le brahmane à la roue dit : Ah ! cela n’a pas de raison, que des gens de beaucoup d’intelligence périssent frappés par le sort, tandis que des gens de très-peu d’intelligence, protégés par le destin, sont dans la joie. Et l’on dit :
Salabouddhi est mis sur la tête du pécheur et Sahasrabouddhi pend à une corde ; moi Ékabouddhi, ma chère, je joue dans l’eau claire.
Comment cela ? dit le magicien à l’or. Le brahmane à la roue raconta :
“Les quatre Savants”
- Panchatantra 64