Un jour il naquit deux jumelles :
Le monde les trouva si belles,
Qu’il voulut vivre sous leurs lois.
Tels que ces frères Siamois,
Que tout Paris a vus, ces deux sœurs étaient nées
Par un lien vivant l’une à l’autre enchaînées.
Tant qu’on respecta ce lien
Qui les joignait, tout alla bien ;
Mais l’Imprudence un jour, d’une main téméraire,
L’osa couper. Depuis lors, sur la terre,
La plus faible des sœurs ne fit que dépérir.
Elle pâlit, languit, et le monde en alarmes
Vit avec désespoir se flétrir tous ses charmes.
En vain eut-on recours au grand art de guérir :
Un sang décoloré circulait dans sa veine.
Pour tous, évidemment sa fin était prochaine,
Quand à sa sœur, par sa première chaîne,
On parvint à la réunir.
Aussitôt, la fraîcheur de sa naïve enfance,
De son âge viril la force et la beauté,
Reviennent avec la santé :
Elle renaît à l’existence.
Si de ces sœurs vous demandez le nom,
Celle dont quelque temps en danger fut la vie.
Celle-là, c’est la Poésie ;
L’autre, c’est la Religion.
“Les Sœurs Siamoises”