Or çà, petits enfants, écoutez cette histoire.
L’ami Thomas, un jour de foire,
S’octroya, contre écus, deux souliers excellents,
Beaux, souples et bien faits ; d’un cuir des plus brillants ;
Parfaits, enfin ; s’il est sur notre pauvre terre
Quelque objet qui le soit, ce que je ne crois guère.
Comme il vint à pleuvoir, Thomas,
De peur de gâter sa chaussure,
Surveillait chacun de ses pas,
Évitant avec soin la moindre éclaboussure ;
Mais mon gaillard s’apercevant
Que, malgré sa sollicitude,
Ses souliers refusaient de prendre l’habitude
D’être, une fois crottés, aussi propres qu’avant,
Le pauvre homme, irrité, manqua de patience
Et piaffa dans la boue en toute indifférence,
A beaucoup d’entre nous ce Thomas ressemblait.
De notre âme d’abord la pureté nous plaît ;
Aussi de la souiller, Dieu sait ! comme on se garde ;
Mais que la boue y morde, et l’on n’y prend plus garde.
“Les Souliers de Thomas”