L’un de l’autre voisins et plantés au même âge
Trois peupliers croissaient sur le bord d’un ruisseau.
Tout leur était commun, le ciel, la terre et l’eau,
Les jours de beau temps et d’orage.
Et des trois cependant un seul venait à bien ;
Seul, pour développer sa rapide croissance,
Il semblait avoir pris tous les sucs du terrain,
Dont ses frères chétifs ne profitaient en rien ;
D’où venait cette différence ?
L’un des deux par un ver sous l’écorce glissé
En sa première sève avait été blessé ;
Et l’autre dans le sol où plongeaient ses racines
Avait d’un ancien mur rencontré les ruines.
Mais pourquoi, direz-vous, cet accident factieux
Plutôt que sur leur frère est-il tombé sur eux ?
Vous en demandez trop. Dites-moi, je vous prie,
Pourquoi sur cet arbuste étincelant de fleurs
Cette rose est laissée, et cette autre cueillie
Meurt avant d’être épanouie ?
Pourquoi sous le fer des faucheurs
Quand tout tombe dans la prairie
Cette marguerite fleurie
Échappe-t-elle seule au trépas de ses sœurs ?
Ce destin inégal qui frappe toute chose,
Quel est-il ? D’où vient-il ? Je vous laisse y rêver.
Les arbres et les fleurs ne sont pas seuls en cause,
Et les hommes aussi peuvent s’y retrouver.
“Les trois Peupliers”