De tous les points de l’horizon,
Les Vents s’étaient rendus dans la même vallée ;
Ils y tenaient une assemblée,
Que présidait le fougueux Aquilon
Là, tous ces fières enfans d’Éole,
Tous ces tyrans des airs, à la bruyante voix,
Prenaient tour-à-tour la parole,
Et se racontaient leurs exploits.
L’un parlait avec arrogance
Des chênes que son Souffle avait déracinés,
Des tours dont il avait vaincu la résistance;
L’autre, des laboureurs qu’il avait ruinés.
Celui-ci se peignait, au sein des mers profondes ,
Promenant les éclairs, bouleversant les flots,
Et, sourd aux cris des matelots,
Engloutissant mille vaisseaux
Dans le vaste abyme des ondes ;
Celui-là se montrait, dans l’arrière-saison,
Visitant tour-à-tour les cités consternées,
Et, du haut de chaque maison,
Faisant voler l’ardoise et la tuile à foison,
Et les débris des cheminées.
Zéphire épouvanté se tenait à l’écart :
Il était venu là ; mais, par obéissance,
Interrogé par un regard,
Il rompit ainsi le silence :
Puisqu’il faut parlera mon tour,
Vous savez que jamais je n’excite d’orages;
C’est dans les prés, dans les bocages,
Que j’aime à fixer mon séjour.
Dès que la violette, au printemps, est éclose,
Je vais respirer son odeur ;
Puis, voltigeant de fleur en fleur,
Je fais ma cour au lis, à l’œillet, à la rose;
J’entends avec plaisir gazouiller les oiseaux;
J’aime le cours d’une onde pure.
Souvent j’unis mon doux murmure
Au bruit du feuillage et des eaux.
J’aime les danses légères
Que, dans la belle saison,
Forment sur un vert gazon
Les bergers et les bergères.
Me jouant dans leurs cheveux,
J’en fais voltiger les tresses :
Les bergères, en tous lieux,
Souffrent mes douces caresses.
Tout le monde me chérit ;
Et j’ai, du moins, la jouissance
De voir qu’à mon retour la nature sourit,
Et qu’elle pleure mon absence.
Zéphire ainsi parlait, d’un ton plein de douceur :
Ses frères, à l’instant, font éclater leur rage;
Indignés qu’il ait pu leur tenir ce langage,
Borée, Auster, Eurus, lui soufflent au visage,
Et, d’une voix à faire peur,
Va, fuis, lui disent-ils ; tu nous fais déshonneur.
L’autre s’envola de bon cœur,
Et leur dit en partant : Sur la terre alarmée
Allez, si vous voulez, souffler votre fureur ;
Moi, je retourne aux lieux dont mon âme est charmée.
Je vais, en exhalant une haleine embaumée,
Dans les prés, dans les bois, où règne la fraîcheur,
Faire ma ronde accoutumée,
Et voltiger de fleur en fleur.
Ennemi des remords qui suivent la grandeur !,
Je vous laisse l’éclat, le bruit, la renommée ;
Je garde pour moi le bonheur.
“Les Vents”