Louis Tremblay, l’Esope chrétien
Certain étourneau d’humeur folle
S’en vint tomber étourdiment
Dans un piège imprégné de glu tenace et molle.
Qui vous l’arrête, hélas! bien rudement.
Pour peindre son état il n’est point de parole.
Pauvre petit ! c’était bien triste assurément
De voir en quel désordre était son fin plumage….
Or, un moqueur y qui voletait par là
De branche en branche au travers du feuillage,
S’arrête alors, voyant cela,
Et d’un ton sec lui tint ce dur langage :
« O le plus fieffé des benêts !
Venir se faire prendre ainsi, près d’une route,
Au pied de ces genêts,
Sur un gluau mis là par un enfant sans doute,
Comment! tu n’apercevais pas
Le plus grossier des pièges, des appâts,
Et qu’un aveugle même éviterait?… hélas!
N’as-tu donc des yeux qu’à la tête?…
Je te plaindrais vraiment si tu n’étais si bête.
En toute vérité,
C’est justice qu’un sort aussi bien mérité. »
Cela dit, il reprend sa course,
S’applaudissant de ne pas ressembler
A ce pauvre étourneau qui, privé de ressource,
Ne pouvait plus ni courir ni voler.
Mais bientôt, ayant soif, vers la prochaine source
Notre moqueur s’élance et s’abat,—en plein jour! —
Or un filet se dressait alentour.
Et l’oiseau malveillant, dans sa marche empressée,
Vint y donner tête baissée ;
Et le voilà pris à son tour.
—Quelles sont profondes et hautes
Ces paroles au sens divin :
Ne jugez pas votre prochain;
Car si notre voisin a fait hier des fautes,
Ce sera notre tour demain.
“L’Etourneau et le Moqueur”
… Ne parlez point mal les uns des autres, frères. Celui qui parle mal d’un frère, ou qui juge son frère, parle mal de la loi et juge la loi. Or, si tu juges la loi, tu n’es pas observateur de la loi, mais tu en es juge. Un seul est législateur et juge, c’est celui qui peut sauver et perdre; mais toi, qui es-tu, qui juges le prochain?
(Saint Jacques, IV. 11,12.)