Charles-Guillaume Sourdille de la Valette
Écrivain, poète et fabuliste XVIIIº – L’hirondelle et l’araignée
Après quelques beaux jours, doux comme l’espérance,
Trompeurs aussi comme elle, un vent sec et glacé
Combattait du printemps la bénigne influence :
Avril pourtant était passé.
Trop tôt venue, une Hirondelle,
Réduite à de chétifs repas.
Alla trouver, pour s’entendre avec elle.
Dame Araignée, en sentinelle.
Qui, dans son coin, n’engraissait pas.
« La mouche est rare, et beaucoup nous échappent,
« Lui dit-elle ; à bon droit nous accusons le sort ;
« Mais nous jeûnerions moins si nous chassions d’accord :
« Ce qu’un seul manque, deux l’attrapent.
« J’aurai les corps et vous le sang.
« Dans vos filets je pousserai la proie ;
« Tout périra. » L’autre accepte avec joie
Et se place attentive à l’affût dans son camp.
Cependant l’Hirondelle aux vents s’est confiée ;
Elle poursuit un insecte léger
Et dans les lacs de son associée
Après mille détours le force à s’engager.
Mais du chasseur ailé si vive est la poursuite
Qu’il n’a pu s’arrêter…; l’oiseau
Vers la nue emporte à sa suite
Araignée, et mouche, et réseau.
Une alliance inégale
Peut-elle offrir des profils ?
Oui, pour les grands ; mais aux petits
Presque toujours elle est fatale.
Charles-Guillaume Sourdille de Lavalette, L’hirondelle et l’araignée