Au retour du printemps la volage hirondelle,
A coups de bec et sans truelle,
(Prodige que l’on voit trop indifféremment)
Avec une adresse infinie
Se bâtissait un logement
Chez un bourgeois, dont la manie
Etait aussi le bâtiment.
— De cet oiseau, dit-il, j’admire l’industrie;
Mais à quoi bon bâtir aussi solidement
Quand on n’est point dans sa patrie,
Et que l’on est sujet au déménagement?
Pauvre animal, hélas ! tu prends bien de la peine
Pour rester ici quelques mois:
As-tu donc oublié que la saison prochaine
T’obligera d’aller en des pays moins froids ?
Tu laisseras alors ta demeure déserte.
Tu devrais camper, rien de plus.
— Moi-même à mon tour je t’admire,
Dit l’hirondelle au bâtisseur.
Dans ce vaste édifice où ton orgueil se mire,
Je vois déjà ton successeur,
Qui, subissant la loi suprême,
Le laissera bientôt lui-même
A quelque nouveau possesseur.
Si je suis folle, ami, tu n’es guère plus sage,
Puisque tu bâtis sans songer
Que l’homme est sur la terre un oiseau de passage
Qui doit être toujours prêt à déménager.
“L’hirondelle et le bâtisseur”, Louis Rilliet-Constant.