La capitale d’un empire
Que le glaive du Scythe achevait de détruire
Par mille édifices pompeux,
Du sauvage vainqueur éblouissait la vue ;
D’un prince qui régna dans ces murs malheureux
Il admirait surtout la superbe statue.
On lisait sur ce monument :
A très puissant, très bon, très juste et très clément,
Et le reste… en un mot l’étalage vulgaire
Des termes consacrés au style lapidaire.
Ces mots, en lettres d’or, frappent le conquérant ;
Ce témoignage si touchant,
Qu’aux vertus de son roi rendait un peuple immense,
Émeut le roi barbare ; il médite en silence
A ce genre d’honneur qu’il ne connut jamais ;
Longtemps de ce bon prince il contemple les traits.
Il se fait expliquer l’histoire de sa vie :
Ce prince, dit l’histoire, horreur de ses sujets,
Naquit pour le malheur de sa triste patrie :
Devant son joug de fer il fit taire les lois ;
Il fit le premier pas vers l’affreux despotisme ;
Il étouffa l’honneur, ce brillant fanatisme,
Qui sert si bien les rois ;
Et son pouvoir sorti de ses bornes certaines,
De quelque conquérant préparait les exploits,
Quand d’un peuple avili par ces lois inhumaines
Il préparait les bras à recevoir ses chaînes.
Tel était le portrait qu’à la postérité
Transmettait l’équitable histoire.
Le Scythe confondu ne sait ce qu’il doit croire :
« Pourquoi donc, si l’histoire a dit la vérité,
Par un monument si notoire
Le mensonge est-il attesté ? »
Sa majesté sauvage était bien étonnée :
« Seigneur, dit un des courtisans
Qui, durant près d’un siècle, à la cour des tyrans
Traîna sa vie infortunée,
Seigneur, ce monument qui vous surprend si fort,
Au destructeur de la patrie
Fut érigé pendant sa vie…
On fit l’histoire après sa mort. »
“L’Histoire”