“L’Hiver et le Printemps” – L’Hiver un jour se moqua du Printemps et le chargea de reproches. Aussitôt qu’il paraissait, personne ne restait plus en repos ; l’un allait aux prés ou aux bois, se plaisant à cueillir des fleurs, des lis et des roses, à les faire tourner devant ses yeux et à les mettre dans ses cheveux ; l’autre s’embarquait, et, à l’occasion, traversait la mer pour aller voir d’autres hommes ; personne ne prenait plus souci des vents ni des averses épaisses. « Moi, ajoutait-il, je ressemble à un chef et à un monarque absolu. Je veux qu’on tourne ses yeux, non pas vers le ciel, mais en bas vers la terre, et je force les gens à craindre et à trembler, et à se résigner parfois à garder le logis toute la journée. — C’est pour cela, répondit le Printemps, que les hommes ont plaisir à être délivrés de ta présence. De moi, au contraire, le nom même leur semble beau, le plus beau, par Zeus, de tous les noms.
Aussi, quand j’ai disparu, ils gardent mon souvenir, et, dès que j’ai paru. ils sont pleins d’allégresse. »
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
L’Hiver et le Printemps
L’Hiver fit le reproche
Au Printemps qu’à son approche
Plus personne ne restait au repos
Et ne portait plus d’épais manteaux sur ledos :
C’était promenade et fleurs
Aux mille couleurs
Qu’on cueillait avec la joie dans les yeux
Pour les mettre dans les cheveux.
« Nul n’appréhende plus mes vents glacés
Ni mes tempêtes de neige et, enlacés
Près du feu, parents et enfants, ne le fontplus ;
Ils m’ignorent pour les doux rayons dePhébus !
Moi, Monsieur le-faire-valoir de l’été,
Fit-il, je veux sur tous la souveraineté,
Que le respect me soit dévolu
Comme à un monarque absolu,
Que l’on ait peur, qu’on baisse la tête devant moi
Puis, quand je l’exige, qu’on reste cloîtrer chez soi.
― Les gens sont doués de raison,
Répondit la première saison,
Car dès que je les honore de ma présence,
Ils sortent de leur léthargie,
Reprennent un certain goût à la vie
Et sont heureux de ton absence.
Pour tous les hommes,
Finis de faire toute la journée des sommes ;
Tel est ce que je fais pour eux : je désamorce
Ce que l’Automne et toi avez, avec force,
Imposé ! Alors sur tous s’éteint la tristesse
Dont ton nom même est devenu synonyme ;
Quant à moi, le monde est unanime,
Je suis le messager de l’allégresse. »
Quelque soit la période de l’année,
Une personne se verra destinée,
Du temps qu’il fait,
A en être peu satisfait !
- David Claude- (fabuliste contemporain)