Un homme prit un nid de rossignols. Les bois
Redirent les douleurs et les cris de la mère,
Témoin du rapt. Quand vint le père,
Dieu sait s’il fit grand bruit. Tous les deux à la fois
Poursuivent au logis le ravisseur. — Écoute,
Dirent-ils au barbare, écoute bien, sans doute
Tu te rendras à la raison :
Avant huit jours, dans leur prison,
Nos petits vont mourir. Que pourrais-tu comprendre
A tous les soins qu’il faut leur rendre ?
Tu ne saurais les réchauffer,
Ni composer leur nourriture.
Dès le premier essai tu vas les étouffer.
Quel art peut remplacer l’instinct de la nature ?
Ils mourront dans tes mains, et toi de les pleurer.
Et quand tu parviendrais à sauver leur jeune âge,
Quel prix de mille soins pourrais-tu retirer?
Tu ne jouirais point de leur brillant ramage :
Sait-on chanter dans l’esclavage ?
De grâce, rends-nous donc ce nid : je te promets
Que nous reviendrons tous chanter à ta fenêtre
Des airs que nos amis, les hôtes des forêts,
Ont seuls le bonheur de connaître.
Nous viendrons l’égayer d’un concert éternel.
Que pourrais-tu gagner à te montrer cruel?
Allons, rends ce nid. — Soit, pour demain je m’engage
A rendre vos petits ; mais je veux aujourd’hui
M’en créer un doux, badinage.
Ils m’égaieront, j’ai de l’ennui.
Je vais laisser leur cage ouverte :
Vous leur pouvez donner vos soins.
J’ai bon cœur; je serais désolé de leur perte.
Venez donc, tous les deux, pourvoir à leurs besoins. —
L’homme s’éloigne alors. Presque aussitôt le père
Apporte la becquée à ses petits enfants,
Et, quand ils ont diné, sous le duvet, tanière
Vient les mettre à l’abri des injures du temps.
Le lendemain, même langage :
— Ah ! rends-nous nos petits, sois humain tout-à-fait,
Reporte-les à la forêt :
Funeste est l’air de l’esclavage.
J’ai vu le chat roder la nuit,
“L’Homme, les Rossignols et leurs Petits”
- Alexis Rousset , 1799 – 1885