Tout près d’une huître somnolente
Qui se pâmait, battants ouverts,
Une crevette pétulante
S’escrimait à des jeux divers.
Comme le bivalve immobile
La laissait seule à son plaisir,
La petite écrevisse, espiègle autant qu’agile,
La convia d’aller près d’elle s’esbaudir.
« Vous en parlez bien à votre aise,
« Dit l’autre ; mais je suis aujourd’hui trop obèse
« Pour songer à vous disputer
« Le prix de la souplesse et de l’agilité.
« Que n’est-ce encor jadis ! alors aux jeux d’adresse
« J’avais, certes, aussi ma valeur !
« Mais depuis ce temps-là, la pesante vieillesse
« A refroidi mon sang et calmé mon ardeur. »
La crevette, à ces mots, mise en gaité pour quatre,
Répond : « N’espérez pas me duper sur ce point.
« Si vous ne venez pas près de moi vous ébattre,
« Les ans n’en peuvent mais ; ne les accusez point.
« Votre passé, ma mie, en vain vous le surfaites ;
« Vous étiez autrefois ce qu’aujourd’hui vous êtes.
« Vos défauts ne sont pas de ces infirmités
« Dont les pauvres vieillards par le temps sont dotés.
« Aussi, sur votre banc est-il bon qu’on le sache
« (Et redites-le bien aux vôtres mot pour mot),
« Nul n’est jamais vieille ganache
« Qu’ayant été jeune idiot. »
“L’Huître et la Crevette”