Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
On m’a conté qu’un Ictérique
A la fois vain et bilieux ,
Jugeant de tout d’après ses jeux ,
Sur tout lançait un trait caustique.
« Depuis quand, disait-il, s’est-on donné le ton
» De tout peindre en couleur citron ?
» Tout est jaune ; par-tout je ne vois que du jaune.
» Ce parquet, ce plafond , ces glaces, ces lambris,
» N’offrent plus qu’une teinte à mes regards surpris.
» La rose même , et l’anémone
» Ne sont pour moi que des soucis.
» Un jour qu’il s’emportait sans raison, sans mesure ,
Contre les arts et la nature,
Choqué de sa mauvaise humeur,
« Croyez-moi, dit quelqu’un, tempérez votre bile;
» C’est elle seule qui distille
» Autour de vous cette couleur ;
» Recourez à votre docteur;
» Qu’il vous traite, qu’il vous guérisse;
» Quand vous n’aurez plus la jaunisse ,
» Tous ces objets vous paraîtront
« Ce qu’ils étaient avant , ou plutôt ce qu’ils sont. »
Défions-nous de notre vue ;
Son témoignage est si souvent trompeur !
Sur nos arrêts la moindre chose influe ;
Le cœur dupe les yeux, les yeux dupent le cœur
Le malheur ne voit pas comme voit le bonheur.
“On m’a conté qu’un Ictérique”