Adelaïde-Gillette Billet Dufresnoy
Quand j’entends messieurs les amants
Sur un ton lamentable,
Dire que les amours constants
Ne sont plus qu’une fable,
Moi je réponds à leurs discours ;
Il faut, pour être aimé toujours,
Être toujours aimable.
Damis m’inspira quelques jours
Une ardeur véritable :
J’aurais voulu l’aimer toujours;
Ce n’est pas une fable.
Il dit que j’ai trahi ma foi ;
Est-ce, après tout, ma faute à moi
S’il cessa d’être aimable?
J’aimai le jeune Floricour ;
Ce n’est point une fable;
Mais il exigea tant d’amour
Qu’il fut insupportable.
Un rien le mettait en courroux;
Or on sait qu’un amant jaloux
N’est pas toujours aimable.
L’objet de mes nouveaux amours
Est doux, sensible, affable;
J’ai juré de l’aimer toujours ;
Ce n’est point une fable.
Oui, je lui tiendrai mes serments,
Tant qu’il sera de mes amants
Toujours le plus aimable.
Amants, écoutez mes leçons,
Et soyez raisonnables ;
Bien que je les fasse en chansons
Ce ne sont point des fables.
Voulez-vous conserver un cœur,
Sachez, après votre bonheur ,
Être encor plus aimables.
“L’Inconstance justifiée”
Adélaïde-Gillette Dufrénoy , 1765 – 1825