Dans Syracuse un architecte habile
Bâtit un phare, et mit sur le fronton
Son nom.
– Denys alors régnait sur la Sicile,
Et s’indigna qu’un sujet eût le front
De revivre dans son ouvrage.
Nicandre donc est mandé par le roi,
Qui lui tient ce langage :
Apprends qu’il n’est ici de gloire que pour moi;
Je suis maître, et je veux qu’effacé sur le phare
Ton nom chétif cède la place au mien.
L’architecte sicilien Feint d’obéir à cet ordre barbare.
Il couvre d’un ciment avec art préparé
L’inscription dont le tyran s’offense,
Et sur l’enduit, solide en apparence,
Il trace en lettres d’or ce mensonge avéré :
Fait par Denys, l’amour de Syracuse.
Quelque temps, m’a-t-on dit, le prestige dura;
Mais enfin ici-bas le bien, le mal, tout s’use.
Lit encore aujourd’hui sur le phare éclatant ,
Nicandre construisit ce monument utile.
La gloire de l’homme puissant
Est un larcin qu’il rend avec la vie.
L’autorité dévore le présent;
Mais l’avenir appartient au génie.
“L’Inscription”