Quand l’occasion se présente ,
Il faut la saisir aux cheveux,
Sans quoi, la déesse inconstante
N’est qu’un brillant éclair qui fascine nos yeux.
Pour la fortune en espérance ,
On perd souvent une modeste aisance.
J’ai vu plus d’une fois , lâchant un bon morceau
Dans l’eau ,
Un barbet courir après l’ombre.
De ces gens il en est sans nombre :
On a vu des chasseurs , pour un lièvre incertain ,
Laisser échapper un lapin ;
Et le soir , harassés , regagner leur chaumière,
N’ayant rien dans la carnassière.
Ou a vu des pêcheurs , poursuivant un barbeau,
Mépriser un gardon qui nageait a fleur d’eau ,
Et sur la fin du jour, ployant leurs rets humides,
Sans barbeau ni gardon , revenir les mains vuides;
J’ai vu, chez Jean, mon maître, un dédaigneux héron
Méprisant, tour-a-tour , carpe , brochet, goujon,
Souper enfin d’un limaçon;
Puis , une fillette trop fière,
Laissant fuir des amans la brigade légère,
Prendre, quand elle vit leur essaim disparu,
Pour son époux, un malotru.
J’ai vu,.., Je me suis vu moi-même ,
Me comportant comme un vrai sot.
Je pouvais, comme un autre, amasser un magot,
J’ai préféré l’Honneur. — Oh ! l’absurde système.
“L’Occasion”
- Alexandre Coupé de Saint-Donat- 1775-1845