Pierre – Joseph Charrin
Chansonnier et fabuliste XVIIIº – L’oie et le serpent
» Quel animal, de la bonté divine
» A reçu plus que moi de signes éclatants ?
» Je sillonne l’eau des étangs,
» Je m’élève dans l’air, sur terre je chemine.
» Hors le feu, des quatre éléments
» On pourrait me nommer la reine,
Disait une Oie ; « et de mes chants
» Je rendrais quelquefois jalouse une Sirène.»
« — Toi seule, réplique un Serpent
» Qui près d’elle arrive en rampant;
» Des belles qualités dont je te vois si fière
» Fais un étalage si grand ;
» C’est montrer trop d’orgueil, ma chère ;
» A ta juste valeur, moi, je vais l’estimer,
Et dusses-tu ne pas m’aimer,
» Ce qui m’affligerait, il faut que je le dise,
» Je veux parler avec franchise.
» Lorsque tes pattes fendent l’eau,
Nages-tu comme le Barbeau ?
« Quand tu vas explorer quelques mètres de terre,
» Cours-tu comme le Daim ou la Biche légère ?
» Au vol oses-tu défier
» Une Hirondelle, un Épervier ?
» Non ! non ! Quant à ta voix, chaque son qu’elle donne
» Est aussi faux que monotone ;
» Et nul cri n’est, je le soutien,
Plus insipide que le tien.
» Vois donc à quels affronts ta vanité t’expose.
» Tel croit primer en tout et ne domine en rien ;
» Le mérite, sache le bien,
» Est d’exceller en quelque chose.»
Pierre –Joseph Charrin