Mme Manceau
Poétesse, fabuliste XIXº – L’Or brut et l’Or poli
Un homme instruit, aimable et sage,
Voyait avec peine son fils
Inappliqué, fougueux, volage,
Et surtout des plus impolis.
Cet enfant cependant avait de la Nature
Reçu des dons faits pour charmer ;
Mais indocile à la culture,
Le bien en lui ne pouvait pas germer.
Son cœur était caché sous l’écorce grossière
Et de l’impolitesse et du plus mauvais ton ;
Et son esprit, dépourvu de raison,
Etait incapable de plaire,
Car il n’y joignait point l’ornement du savoir.
C’était comme un trésor enseveli sous terre
Qu’on ne pouvait apercevoir.
Pour corriger son fils de cette insouciance
Qui lui faisait dédaigner la science,
Le bon père employa le plus heureux détour.
« Mon enfant, lui dit-il un jour,
« Je veux te faire un cadeau d’importance :
« Choisis l’un des objets que je t’apporte-là. »
L’enfant voit un bijou dont le brillant l’enchante,
Puis un morceau d’or brut qu’à peine il regarda :
« Mon choix est bientôt fait, répond-il, le voilà :
« Entre ces deux objets ce bijou seul peut plaire. »
« — Je suis de ton avis, lui repartit le père,
« Et chacun comme toi l’aurait choisir d’abord.
« Vois combien le travail, mon fils, est nécessaire.
« L’objet qui te déplaît est cependant de l’or ;
« Mais de l’or brut : c’est ta parfaite image.
« Lorsqu’on le laisse impur, il n’est d’aucun usage,
« Mais est-il travaillé, poli ?
« Il est utile autant qu’il est joli,
« Il est l’objet des vœux de tout le monde.
« Par ton travail, mon fils, deviens selon mes vœux,
« Et songe enfin qu’un naturel heureux
« Veut cependant qu’on le seconde. »
Mme Manceau, L’Or brut et l’Or poli