Un oranger, loua les matins.
Exhalait le parfum de ses mille calices
Dont il offrait les suaves prémices
A celui qui venait arroser de ses mains
Des arbustes, des fleurs, objets de ses délices.
Lorsqu’un pocher lui dit: « Ami, quel est ton but,
« En offrant dès l’aurore au maître un tel tribut? »
– — Quoi ! répond l’oranger, ce que je fais t’étonne?
” Ne vois-tu pas les soins dont il nous environne?
« N’est-ce pas lui qui vient avec le jour
« Sur nous répandre une onde salutaire?
« Qui, lorsque des frimas s’annonce le retour,
« M’abrite, me réchauffe? Ah! je ne puis le taire,
– Je me crois impuissant à payer tant d’amour!
« Sans de tels soins, que serais-je sur terre?
« Un chétif arbuste étiolé,
« Dont les faibles rameaux et le triste feuillage
« Languiraient à l’écart; sur mon front désolé
« Nulle fleur ne naîtrait; mon unique partage
« Serait un froid dédain. » — « C’est là bien raisonner,
« Répondit le pêcher; mais ces bontés du maître,
« Tu pourrais un peu mieux, je crois, les reconnaître,
« En faisant comme moi. Pourquoi ne pas donner
« De beaux fruits savoureux? » — « Sous cette latitude,
« Je n’en saurais produire. Or, ami, tu vois bien
« Que je n’ai pas le choix d’un plus noble moyen,
« Pour lui prouver ma gratitude. »
Agréez, chers parents, l’hommage de ce livre.
Fruit de mes doux loisirs. Quel sera son destin?…
Au rêve d’un succès tout poète se livre;
Et pourtant que de vers n’ont point de lendemain.
Mais le nard sur l’autel ne laisse pas de trace :
On le brûle, il s’élève et se perd dans l’espace
Pour monter jusqu’à Dieu, qui reçoit cet encens
Comme un pieux tribut des cœurs reconnaissants.
“L’Oranger et le pêcher”