Nicolas François de Neufchâteau
L’Ours, jouant avec sa femelle,
Lui creva, par malheur, un œil.
Il était fort amoureux d’elle ;
Cet accident le mit en deuil.
Il tourna contre lui sa rage,
Et s’arracha, de désespoir,
Les ongles dont, sans le vouloir,
Il fit un si cruel usage.
« Ma chère, lui dit-il un jour,
« Je me suis prive de mes armes;
« Tu vois l’empire de tes charmes,
« Et la force de mon amour! —
« Ah ! je n’en suis pas moins borgnesse !
« C’était avant cette caresse
« Qu’il eût fallu, mon très cher Ours,
« Me faire patte de velours. «
Dame Ourse sentait sa blessure :
Hélas ! que sert de se parer
Du repentir, après l’injure
Qui ne peut plus se réparer?
“L’Ours et son Ourse”