Observations et réflexions critiques sur le genre de l’apologue, et en particulier sur les fables de La Fontaine.
Par M. DECAMPE, un des quarante Mainteneurs.
OBSERVATION V.
J’ai annoncé tout à l’heure que nous dirions quelque chose de l’espèce de vraisemblance nécessaire dans l’Apologue. Cette matière est importante. Voici ce que je pense à cet égard.
Commençons par nous rappeler que le propre de l’Apologue est de prêter aux animaux et aux êtres insensibles l’intelligence, les passions, les sentiments, enfin le langage de l’homme. Ce n’est donc pas à les faire penser, sentir et parler que peut jamais être l’invraisemblance ; ces choses-là sont une fois convenues, comme les monologues et les entractes dans la poésie dramatique, comme le chant dans l’opéra : il faut bien admettre toute supposition qui est dans l’essence du genre. Or, il est de l’essence de l’Apologue que les animaux et les êtres insensibles pensent et parlent comme nous. Mais puisque cette supposition est admise, toute contraire qu’elle est à la vérité, où commencera donc l’invraisemblance dans l’Apologue ? Elle commencera aux actions, si elles sont physiquement impossibles, ou contraires à la nature des personnages. Expliquons clairement notre pensée.
Une réflexion de Chamfort sur la fable de la Montagne en travail d’enfant, dont j’ai parlé dans la précédente Observation, va me servir pour entrer en matière. La Fontaine, en terminant cette fable, semble demander grâce au lecteur pour l’invraisemblance du récit ; et certes, il y avait bien de quoi. Cependant, Chamfort s’étonne de cette précaution du fabuliste. ” Serait-ce (dit-il) qu’une montagne sur le point d’accoucher, lui aurait paru plus contraire à la vraisemblance qu’une lime qui adresse la parole à un serpent ? Cela serait d’une grande bonhomie. ” Je ne saurais être ici de l’avis du critique, malgré ce ton tranchant et décisif. Il faut bien se garder de confondre, dans le rôle qu’un fabuliste fait jouer à ses acteurs, deux choses extrêmement différentes : d’une part, les actions ; de l’autre, les discours, les sentiments et les pensées. A l’égard des actions, il faut que le fabuliste se tienne rigoureusement dans les limites des choses physiquement possibles ; il ne peut point faire nager un rocher, faire voler une montagne, faire danser des maisons ou des arbres, faire boire ou manger le clocher d’une cathédrale. Au contraire, dans la faculté de faire discourir et penser ses personnages, sa liberté n’a point de bornes : il n’est pas plus étonnant d’entendre parler une lime que d’entendre converser un chêne et un roseau : le genre le comporte ainsi. Mais il serait absurde et inouï que cette lime jouât de la flûte ou de la lyre, que ce chêne écrivit un madrigal ou un sonnet, ou qu’il fit un cent de piquet avec le roseau. Or, maintenant, revenons a la fable de la Montagne. Voici comment elle commence :
Une montagne en mal d’enfant
jetait une clameur si haute,
Que chacun, au bruit accourant,
Crut qu’elle accoucherait sans faute
D’une cité plus grosse que Paris.
Ne voilà–il pas une fiction bien vraisemblable, qu’une montagne en mal d’enfant, qui pousse des cris horribles ? Et n’admirez-vous pas ces bonnes gens qui pensaient qu’elle accoucherait sans faute d’une cité plus grosse que Paris ? Rien n’était plus commun sans doute, à cette époque, que de voir les montagnes enfanter des cités, et de grosses cités ?…
Mais passons à une autre fable, dont nous avions cité, plus haut, le sujet, comme très-heureusement choisi : c’est le Pot de terre et le Pot de fer. La Fontaine, malgré les détails charmants dont il l’a embellie, en a néanmoins altéré le fond, en faisant, contre toute vraisemblance, voyager à pied ses deux acteurs. Ces pots, qui entreprennent un voyage, et qui s’en vont sur trois pieds, clopin-clopant comme ils peuvent, sont une invention à la fois divertissante et absurde. Faerne, traitant le même sujet, représente deux pots emportés par le courant d’une rivière. Dès lors l’action devient naturelle et vraie ; on peut les voir, sans la moindre surprise, cheminer ensemble et s’entrechoquer : il n’y a que les pensées et les discours à ajouter, et là-dessus le droit du fabuliste est incontestable.
Tel est donc, selon moi, le degré de vraisemblance où doit se renfermer l’Apologue. Je veux que l’action en elle-même soit possible, naturelle, appropriée aux facultés physiques des acteurs, conforme aux idées reçues, et je n’admets de suppositions et de mensonges que relativement aux motifs de cette action, aux sentiments, aux intentions et aux discours que le fabuliste prête à ses personnages. Je dis, en conséquence, que la fable de Faerne est vraisemblable, et que celle de la Fontaine l’est infiniment moins, ou plutôt ne l’est pas du tout. Mais celle-ci est bien plus plaisante ; et c’est sans doute ce que voulait notre conteur, avec son voyage à pied et cette marche dérangée au moindre hoquet qu’ils trouvent. On ne saurait imaginer combien ce poète est fertile en ressources quand il s’agit d’être plaisant : nous aurons occasion de revenir sur cette remarque.
N’abandonnons pas le sujet de la présente observation sans rappeler quelques autres fables où la vraisemblance n’est pas moins blessée. Tantôt c’est un homme qui enlève dans ses bras un énorme éléphant de pierre, et le porte au sommet d’une montagne ; tantôt c’est Jupiter qui cherche un métayer pour une de ses fermes ; ici, c’est la Chauve-souris, le Buisson et le Canard qui s’associent pour aller faire le commerce d’outre-mer, qui ont des comptoirs, des facteurs, des agents, qui sont ruinés par le naufrage de leur navire et la perte de leur cargaison, et presque réduits à porter le bonnet vert, c’est-à-dire à faire une banqueroute dans les formes ; là, c’est un Lion éperdument amoureux d’une jeune fille, et qui, pour l’obtenir du père, consent à se laisser limer les ongles et les dents ; plus loin, ce sont tous les Animaux ensemble qui se réunissent pour envoyer une ambassade et un tribut à Alexandre ; ce tribut devant être en espèces de cours,
On en prit d’un prince obligeant,
Qui, possédant dans son domaine
Des mines d’or, donna ce qu’on voulut.
On voit que si l’ambassade des animaux est extraordinaire, la nature de leur présent ne l’est guère moins. Ceci nous conduit à une observation subsidiaire qui se rattache à la loi de la vraisemblance. Il ne faut pas, tout en prêtant aux animaux les caractères, les penchants, les habitudes morales des hommes, aller jusqu’à leur prêter les meubles, les vêtements, les ustensiles qui sont le produit de notre industrie ; sans quoi l’Apologue dégénère en un travestissement burlesque, en une bouffonne caricature. La Fontaine, par goût pour la plaisanterie, tombe parfois dans ce défaut. A la mort du Lion, par exemple, les animaux ses sujets s’occupent de lui choisir un successeur. Jusque-là c’est fort bien : nous sommes dans les bornes de la vraisemblance exigée pour l’Apologue. Mais le fabuliste ajoute :
De son étui la couronne est tirée :
Dans une chartre un dragon la gardait.
Il se trouva que, sur tous essayée,
A pas un d’eux elle ne convenait.
Ici commence l’invraisemblance : cet étui, cette couronne, cette chartre, sont trop contraires à la vérité, et répugnent aux idées reçues. J’admets bien que l’on donne aux animaux les qualifications de roi, de prince, d’ambassadeur, parce que tout cela, n’étant que de simples titres ou de pures dénominations, n’a rien qui choque la réalité physique. Il n’en est pas de même pour le reste ; et le grand nombre de fables où cette licence s’est introduite ne prouve rien contre mon opinion : c’est un abus, que les bons esprits auraient dû des longtemps proscrire. Avec un peu d’imagination, je me figure sans peine que les animaux parlent, disputent, négocient entre eux, qu’ils ont des rangs, des distinctions, des professions même, analogues à leurs instincts et à leurs habitudes ; mais je ne puis souffrir que leurs rois aient des sceptres et des couronnes, leurs ambassadeurs des carrosses, leurs magistrats des robes, leurs médecins des perruques. Il ne faut pas qu’on soit absurde sous prétexte d’être plaisant.
Il se présente une dernière réflexion par rapport à la vraisemblance. Il y a tel sujet heureux auquel il faudra renoncer si l’on veut observer la règle proposée. Prenons-en pour exemple la Poule aux œufs d’or. Que devient ce sujet de fable très-connu, si l’on en retranche les œufs merveilleux ? Je réponds que rien n’empêche, alors, d’employer quelque moyen surnaturel, par exemple l’intervention d’une divinité ; et, puisque nous sommes tombés sur cette fable, que la Fontaine, au reste, a racontée fort sèchement, voyons comment on aurait pu en tempérer l’invraisemblance par le procédé que j’indique.
Commençons par transcrire ici le récit de notre fabuliste ; nous examinerons ensuite si le fond ne pouvait pas être traité d’une manière à la fois plus agréable et plus conforme à la vraisemblance.
L’avarice perd tout en voulant tout gagner,
Je ne veux pour le témoigner,
Que celui dont la poule, à ce que dit la fable,
Pondait tous les jours un œuf d’or.
Il crut que dans son corps elle avait un trésor;
Il la tua, l’ouvrit, et la trouva semblable
A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
S’étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches !
Pendant ces derniers temps combien en a-t-on vus
Qui du soir au matin sont pauvres devenus
Pour vouloir trop tôt être riches ! Le premier défaut de cette fable est d’être trop peu développée : on dirait que notre fabuliste ne fait que la citer en passant, et a propos d’autre chose. De plus, l’homme qu’il met en scène est d’une avidité trop empressée et trop irréfléchie pour être naturelle ; car, en supposant même que sa poule eût été pleine d’or comme il le croyait, c’était certes bien peu de chose pour renoncer à l’œuf d’or qui lui venait tous les jours. Cette faute est toute entière de la Fontaine. Dans Ésope, il est dit seulement que la poule pondait des œufs d’or. Comme on peut supposer qu’elle pondait rarement, la sottise du maître avare est plus croyable. Elle l’est encore plus dans Gabrias, où l’on voit simplement qu’une poule ayant un jour pondu un œuf d’or, son maître crut qu’elle était pleine d’or, et la tua. C’était la ce qu’il fallait adopter. Venons-en à l’invraisemblance pour ce qui concerne l’œuf d’or, tout en regrettant que la Fontaine ne se soit pas donné le plaisir de développer ce sujet avec sa fécondité ordinaire. On pouvait nous montrer ici un habitant de la campagne, laborieux, ménager, économe, augmentant de son mieux son petit patrimoine des produits de son potager, de ses ruches, de sa basse-cour. Il recueille lui-même ces produits, et va les vendre à la ville voisine. Voilà l’occasion naturelle de parler des œufs frais d’une certaine poule au beau plumage, pondeuse assidue, et chérie du maître. Un jour un œuf d’or se trouve dans son nid : surprise du maître ; ses raisonnements sur cet événement miraculeux ; ses projets de fortune : il consomme sa sottise. Alors on pourrait introduire un personnage surnaturel, une fée, un devin, uu sorcier, n’importe, qui viendrait lui déclarer que, par une volonté du ciel, sa poule doit dorénavant lui pondre, régulièrement tous les jours, un œuf d’or, en récompense de sa conduite sage et laborieuse. Ce personnage, en apprenant que notre homme vient d’égorger sa poule, lui reprocherait de s’être privé lui-même d’un pareil trésor. Je suppose que ce fût Mercure, qui, envoyé par Jupiter, viendrait lui annoncer la faveur du monarque des dieux, qui l’engagerait à bien nourrir sa poule et à la faire longtemps vivre. La confusion et le désespoir de l’homme, et l’indignation du dieu, produiraient une scène vive et animée. Mercure pourrait terminer la fable par une vive réprimande au villageois, d’où sortirait la moralité. ” Je l’avais bien dit à Jupiter, que, pour la plupart de vos pareils, il n’y a qu’un pas de l’économie à l’avarice, et que vous cesseriez d’être sage dès que vous auriez commencé d’être riche.”
“— Les richesses les plus sûres sont celles qui viennent lentement, avec du temps et de la peine…..L’avidité perd tout en voulant trop avoir…..” ou à peu près.
Il me semble que par ce moyen, on adoucirait ce que le sujet a d’extraordinaire et d’invraisemblable. Les discours de l’avare, ceux de la poule elle-même, soit lorsqu’elle vient de pondre un œuf si nouveau, soit lorsqu’elle est saisie par son maître avide, seraient des accessoires assez naturels. Il est singulier que la Fontaine, si habile à mettre un sujet en œuvre, n’ait songé à rien de tout cela.
OBSERVATION VI.
La lecture attentive des Fables de la Fontaine fournit l’occasion de faire des réflexions fréquentes sur LE SENS MORAL DE L’APOLOGIE, et SUR LA MANIÈRE de le déduire et de l’exprimer dans la Fable, ce qu’on nomme communément la moralité. Pour ne pas confondre les diverses remarques que nous aurons à faire sur ces deux objets, commençons par celles qui se rapportent au sens moral de l’Apologue ; puis nous en viendrons a ce qui concerne la moralité exprimée.
Et d’abord, il faut que tout apologue renferme un sens moral, l’essence primitive du genre et le but unique qu’on doit s’y proposer étant de donner une leçon de morale ou un précepte de conduite. Cette première règle de l’Apologue est de toute évidence. La Fontaine ne la contestait pas ; il a dit lui-même :
Sans cela toute fable est une œuvre imparfaite.
Et cependant, il lui arrive fréquemment d’oublier cette vérité, qu’il a exprimée d’une manière si absolue. Il n’est pas, sans doute, le seul fabuliste auquel on puisse faire ce reproche; mais il y a de quoi s’étonner qu’il l’ait mérité si souvent. Jetons un coup d’œil sur les différentes sortes de fables dont le sujet semble entaché de ce défaut.
Nous avons déjà signalé, en parlant des fables où les hommes seuls sont acteurs, celles qui, ne renfermant que des anecdotes piquantes, des saillies, des bons mots de quelques personnages célèbres, appartiennent plutôt au genre du Conte qu’à celui de l’Apologue ; et c’est à cette première classe qu’on peut rapporter la jolie fable de la Fontaine sur Philomèle et Progné, bien que ce soient ici deux oiseaux qui occupent la scène. Les pièces de ce genre, n’atteignant pas le but moral de l’Apologue, doivent être regardées comme essentiellement vicieuses, quel que puisse être d’ailleurs le mérite de l’exécution.
Il en est aussi qui, bien qu’attribuées aux animaux, renferment, au lieu d’un sens moral et d’une action allégorique, l’explication, plus ou moins ingénieuse ou plus ou moins bizarre, de quelque particularité naturelle, de quelque habitude singulière, propre à tel ou tel animal. C’est ainsi que Phèdre, dans sa fable des Chiens envoyés en ambassade à Jupiter, explique d’une manière bien plus malpropre que plaisante, la cause prétendue d’une habitude familière aux chiens; c’est ainsi que Faerne nous apprend pourquoi les ânes sont sujets à un autre genre d’habitude (Faerne. liv. 2, fab. 20). La Fontaine, de même, dans sa fable, d’ailleurs charmante, de l’Aigle et l’Escarbot, nous découvre, d’après Ésope, ce que nous ne lui aurions guère demandé sans doute, savoir, pourquoi l’Aigle fait son nid dans la saison de l’année où l’Escarbot est en quartier d’hiver. Il nous explique encore, toujours d’après Ésope, dans une fable dont nous avons déjà critiqué l’étrange invention, pourquoi la chauve-souris ne vole que la nuit, pourquoi le canard plonge sous les eaux, pourquoi le buisson accroche les habits des passants. Cette manière d’attribuer une origine fabuleuse à de simples accidents de la nature ou à des particularités de l’instinct des animaux, rappelle un peu le genre des Métamorphoses ; elle est totalement déplacée dans l’Apologue, qui ne peut se passer d’une action allégorique et d’un but moral.
Nous arrivons enfin aux fables dans lesquelles ce but moral n’a pas été négligé. Mais, a ne considérer même que celles-là, que d’occasions se présentent encore d’exercer une juste critique, dans la Fontaine aussi bien que dans les autres fabulistes, suivant que le sens moral est plus ou moins louable, plus ou moins exact et précis, plus ou moins bien déduit du sujet de la fable !
D’abord, il se présente une grande distinction à établir : ou l’objet moral de la fable est de donner une leçon de vertu, un précepte de sagesse, une règle de conduite ; ou il se borne à une simple observation sur les vices, sur les travers, les ridicules de l’humanité. Les fables de cette dernière espèce ne renferment point, proprement, de leçon ; et, pour cette raison, je leur préférerais les précédentes. J’aime mieux qu’on m apprenne à faire le bien, que de m’avertir que le mal existe : ce dernier emploi convient à la Satire plus qu’à l’Apologue. Par exemple, il n’est peut-être pas de faiseur de fables qui n’ait imaginé quelque sujet pour démontrer que chacun revient toujours à ses défauts naturels, que l’éducation ne change point la nature, que le naturel ne se réforme pas. Comment n’ont-ils pas senti que le développement d’une pareille vérité n’est, en quelque sorte, d’aucune utilité pour les mœurs ? Il me semble qu’il eût été d’une meilleure philosophie, et en même temps peut-être d’une plus exacte vérité, d’établir par des exemples une opinion diamétralement opposée. Pourquoi, en effet, s’appliquerait-on à devenir meilleur, s’il faut désespérer de l’être ?
Je regarderai donc comme peu satisfaisant sous le rapport moral, tout apologue qui ne renfermera qu’une simple observation sur les vices et les travers des hommes, à moins que cette observation ne soit originale et piquante, ou qu’elle ne puisse facilement être convertie en précepte ; et si je sais gré au Loup et à l’Agneau de me rappeler que le plus fort a toujours raison; aux deux Pigeons, aux deux Amis, de me retracer agréablement les douceurs de l’amitié et les charmes de la constance ; il m’importe peu d’apprendre, dans le Chien qui porte à son cou le dîner de son maître, qu’on gaspille soi-même quand on ne peut empêcher les autres de gaspiller ; dans le Renard et les Raisins, qu’on affecte de dédaigner ce qu’on ne peut obtenir ; dans le Thésauriseur et son Compère, qu’il y a des avares et des prodigues ; dans l’Ivrogne et sa Femme, que qui a bu boira. Je suis même à me demander quelle sorte de vérité ou d’observation morale peut être cachée dans des fables telles que l’Araignée et l’Hirondelle,
—la querelle des Chiens et des Chats,
— le Lion abattu par t Homme,
— le Singe ,
— l’Oiseau blessé d’une flèche.
De pareilles pièces sont à peu près dépourvues d’objet moral, et ne méritent pas le nom d’Apologues.
Il est encore à remarquer que, dans le nombre de celles auxquelles on ne saurait contester ce but moral, et qui renferment évidemment un précepte, ce précepte est bien plus souvent une règle de prudence qu’une leçon de vertu. Les vertus d’un ordre élevé, celles qui supposent l’abnégation de soi-même, ne sont guère, à vrai dire, du domaine de l’Apologue. Ce n’est point, après tout, cette morale héroïque et sublime, que le fabuliste se charge de professer. Son livre est le code de la sagesse, et non celui de l’héroïsme ; et cette sagesse, il faut bien l’avouer, n’est souvent que le calcul vulgaire de l’intérêt personnel. Une telle mission convenait à merveille au caractère de la Fontaine, dans la philosophie duquel il entrait beaucoup de paresse et d’épicurisme. Il ne faut donc pas s’étonner si notre poête, aussi bien que les autres fabulistes, donne le plus souvent l’égoïsme pour mobile même à nos vertus : Faites du bien aux autres, parce qu’ils vous en feront à leur tour (la Colombe et la Fourmi) ;
— Ne soyez pas ingrat, parce que vous vous nuiriez à vous-même ( le Cerf et la Vigne) ;
— N’outragez pas les malheureux, parce que vous pouvez le devenir ( le Lièvre et la Perdrix).
Cette morale est, au reste, la plus facile et la plus à portée de la multitude : le commun des hommes entend bien mieux ses intérêts que ses devoirs.
Concluons de ce que nous venons de dire, que toute fable, pour être bonne, doit renfermer un sens moral ; et que, parmi celles qui remplissent cette condition, les préférables sont celles qui nous donnent une leçon de sagesse, nous tracent une règle de conduite, nous enseignent à fuir un vice ou a pratiquer une vertu. — En voilà suffisamment sur le sens moral proprement dit.
Il nous reste maintenant à parler de cette leçon morale explicitement exprimée, c’est-à-dire de ce qu’on appelle communément la moralité de l’Apologue ; et ici la Fontaine encore nous fournira le sujet de quelques réflexions.
D’abord, faut-il toujours exprimer cette moralité ? Non, sans doute ; il y aurait, pour ainsi dire, de la maladresse à le faire quand elle résulte trop évidemment du récit. La Fontaine sait la retrancher à propos ; et c’est un devoir imposé à la sagacité du fabuliste. Qui serait tenté, par exemple, de réclamer une moralité après avoir lu le Chêne et te Roseau ,
— le Loup et le Chien ,
— le Renard qui a la queue coupée ,
— le Loup et la Cigogne,
— les Oreilles du Lièvre
Mais, quand la vérité morale est moins explicite et moins claire, il est toujours bon de l’exprimer. On sait que c’est encore ici un des grands mérites de la Fontaine : il varie à l’infini le tour et la couleur de ses moralités ; et ce qui était chez ses devanciers la partie la plus sèche et la moins attrayante de l’Apologue, en devient fréquemment chez lui le plus agréable ornement. Quelquefois il la place au commencement ; d’autres fois, et le plus souvent, à la fin de la fable. Chacune des deux méthodes a son mérite : il ne faut que les employer à propos. Il lui arrive même, dans certaines fables, de développer deux fois l’idée morale, et à la fin, et au commencement : c’est une superfluité condamnable.
Mais une faute plus condamnable encore, et dans laquelle il est souvent tombé, c’est de vouloir tirer d’une même fable deux moralités distinctes, deux vérités différentes : ceci est une infraction capitale à la grande règle de l’unité. On eu trouvera des exemples dans l’Oiseleur, Vautour, et l’Alouette, dans le Villageois et le Serpent , dans le Lion et le Moucheron , et dans une foule d’autres fables. La Fontaine parait si peu croire que cela puisse être un défaut, qu’il ne cherche nullement à le dissimuler. Qu’on en juge par les formules suivantes :
Quelle chose par là peut nous être enseignée ?
J’en vois deux : dont l’une est qu’entre nos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits ;
L’autre, qu’aux grands périls tel a pu se soustraire,
Qui périt pour la moindre affaire.
(Le Lion et le Moucheron.)
Cette fable contient plus d’un enseignement.
Nous y voyons, premièrement,
Que ceux qui n’ont du monde aucune expérience
Sont, aux moindres objets, frappés d’étonnement;
Et puis, nous y pouvons apprendre
Que tel est pris qui croyait prendre.
(Le Rat et l’Huître.)
Je reviens à mon texte, et dis, premièrement,
Qu’on ne saurait manquer de louer largement
Les dieux et leurs pareils ; de plus, que Melpomène
Souvent, sans déroger, trafique de sa peine;
Enfin, qu’on doit tenir notre art en quelque prix.
(Simonide sauvé par les Dieux.)
Quelque blâmable que soit ce défaut d’unité, la Fontaine est allé plus loin encore : il s’est hasardé jusqu’à réunir dans une même fable deux sujets différents, dont les moralités sont distinctes, quoique voisines. Telle est la fable du Chameau et des Bâtons flottants, composée de deux fables d’Ésope, qu’il eût bien mieux fait de ne pas réunir. Il n’en est pas de même de la fable intitulée le Chat et le vieux Rat, où il a réuni avec succès deux fables d’Ésope et de Phèdre, en faisant de la première un simple accessoire, et comme un premier acte de la seconde, et en les faisant rouler sur les mêmes personnages, et aboutir à la même moralité.
Au surplus, il y a, sur ce qui nous occupe en ce moment, un avertissement utile à donner. On pourrait quelquefois, si l’on n’y fait attention, prendre dans la Fontaine, pour la moralité, de la fable, des vers qui renferment tout autre chose ; et lui prêter de la sorte, ou deux moralités différentes là où il n’y en a qu’une d’exprimée, ou même une moralité bizarre et déraisonnable là où il n’en exprime point du tout. Les passages qui peuvent donner lieu à cette méprise renferment certaines réflexions originales, certaines saillies inattendues, des proverbes, des maximes familières, que le poète laisse tomber avec son aimable abandon, et que leur tournure sentencieuse, ou quelquefois la place qu’ils occupent, peut faire prendre pour la moralité. Par exemple, la fable intitulée le Lion et le Rat, après avoir commencé par la véritable moralité :
Il faut autant qu’on peut obliger tout le monde, se termine par ces deux vers :
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage ;
lesquels n’ont de rapport qu’à la dernière circonstance du récit, et nullement au sens moral de l’apologue. La Colombe et la Fourmi, dont le sens moral est absolument le même que celui de la fable précédente, finit par ce vers :
Point de pigeon pour une obole.
Ne dirait-on pas que la moralité de cette fable, c’est, que quand on veut manger des pigeons, il faut les payer ? Dans la fable du Lièvre et des Grenouilles, le Lièvre termine la pièce par ces deux vers :
Il n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi.
Ces vers ne renferment pas la moralité générale et essentielle de cette fable, qui est qu’on trouve à se consoler de ses propres peines, en jetant les yeux sur celles d’autrui. Dans la fable charmante du Cheval et du Loup qui roule sur l’idée morale, ou plutôt immorale, de la ruse opposée à la ruse, idée si souvent reproduite par les fabulistes, le Loup finit la fable en se disant à lui-même : Chacun à son métier doit toujours s’attacher :
Tu veux faire ici l’herboriste,
Et ne fus jamais que boucher.
Il n’en faut pas conclure que la morale de la fable soit qu’il faut s’en tenir à son métier primitif. Gabrias et Faerne ont eu, il est vrai, la simplicité de tirer cette sotte conclusion d’un pareil sujet d’apologue ; mais la Fontaine n’a point partagé leur méprise : on peut en juger par la forme qu’il a donnée à cette fable, l’une de celles qui démontrent le mieux l’immense supériorité de l’imitateur sur ses modèles.
On se tiendra donc en garde, en lisant la Fontaine, contre les sortes de quiproquo que nous venons de signaler ; et quand on se sera bien familiarisé avec sa manière plaisante et originale de raconter, on ne sera nullement surpris de voir son récit finir par des traits tels que celui-ci, qui termine le Lion et l’Âne chassant :
L’Âne, s’il l’eût osé, se fût mis en colère, Encor qu’on le raillât avec juste raison ; Car, qui pourrait souffrir un âne fanfaron ? Ce n’est pas là leur caractère.
Aux exceptions près sur lesquelles je viens d’insister, la Fontaine est un modèle unique à étudier pour la manière de présenter avec art la moralité d’une fable. Tantôt, au lieu de borner cette moralité à une maxime, à une sentence générale, il en fait des applications particulières, il en tire une foule d’agréables détails : c’est l’intérêt de la Satire et de la Comédie. Voyez les fables intitulées la Grenouille et le Bœuf,
— l’Enfant et le Maitre d’école ,
— les Frelons et les Mouches à miel,
— le Geai paré des plumes du Paon ,
— le Serpent et la Lime.
Tantôt il se plaît à expliquer en détail toute l’action allégorique qui précède ; il en décompose les parties, il en indique successivement le sens et l’application; comme dans les Membres et l’Estomac,
— les Voleurs et l’ Âne,
— l’Homme et son Image.
Tantôt, au lieu de proclamer lui-même la vérité morale, et de l’adresser à ses lecteurs, il l’intercale adroitement dans l’action, et la met dans la bouche d’un de ses personnages, soit que ce personnage se l’adresse a lui-même en manière de réflexion, comme dans le Rat de ville et le Rat des champs,
— l’ Homme et l’Idole de bois; soit qu’il l’adresse à ses interlocuteurs, en forme de conseil ou de sentence, comme dans le Charretier embourbé,
— l’ Ours et les deux Compagnons,
— le Cochet, le Chat et le Souriceau,
— l’Alouette, ses Petits et le Maître d’un champ.
Quelquefois, enfin, et c’est ici surtout que la Fontaine est admirable, il tourne sa moralité en sentiment, au lieu de lui laisser la forme de maxime : ce n’est plus un moraliste qui vous dicte des préceptes ; c’est un confident, un ami, qui vous entretient de lui-même, qui vous ouvre naïvement son cœur, et y laisse voir le secret de ses projets, de ses penchants, de ses affections les plus intimes. Voyez les fables intitulées, la Mort et le Malheureux ; le Bûcheron et la Mort ; le Lion amoureux; la Laitière et le pot au Lait ; voyez surtout le délicieux épilogue de la fable des deux Pigeons, et ces beaux vers sur l’amour de la retraite, qui terminent le Songe d’un habitant du Mogol, et qui rappellent les plus douces inspirations d’Horace et de Virgile.
VII OBSERVATION.
Je terminerai ces Observations, que je crains d’avoir trop prolongées, par de courtes réflexions sur un genre de badinage particulier à la Fontaine, et qui semble avoir échappé à la sagacité de ses critiques. Ces réflexions auront pour but de démontrer jusqu’à quel point il avait approfondi la théorie du plaisant, du facétieux, dans l’Apologue, et combien il était habile à découvrir ce que les gens de lettres ont appelé les sources du riant. On a déjà relevé mille fois ses proverbes, ses dictons familiers, ses expressions heureuses empruntées à la vieille langue, ses dénominations plaisantes de sire, de messire, de maître, de compère, de commère, de compagnon, de dame, de demoiselle , de monsieur, appliquées à des animaux ; ses allusions grotesques à la fable ou à l’histoire, Ulysse , Sixte-quint, Agamemnon , Ajax, Louis-le-Grand et Philippe IV, Hélène et la Guerre de Troie. Mais il est un genre d’artifice qui n’a jamais été, je crois, signalé par les observateurs. Cet artifice consiste dans des anachronismes fort divertissants, QU’ON DIRAIT AVOIR ÉCHAPPÉ A L’IGNORANCE OU A LA DISTRACTION DU NAÏF CONTEUR D’APOLOGUES, mais qui, ne pouvant évidemment provenir de l’une ni de l’autre cause, n’ont été placés dans le récit que pour faire rire le lecteur.
Expliquons-nous plus clairement.
L’action de l’Apologue, c’est-à-dire le petit événement que le fabuliste met en scène, et dont les animaux sont ordinairement les acteurs, est presque toujours censé s’être passé dans des temps reculés, dans des siècles fabuleux dont nous n’avons conservé que les traditions merveilleuses ; en un mot, au temps ou les bêtes parlaient. Il n’y a donc rien que d’assez naturel à prêter à ces animaux la connaissance de la mythologie, à les faire parler des dieux du paganisme, des héros des temps fabuleux : toutes ces choses-là sont voisines, plus ou moins, de l’époque à laquelle l’imagination du lecteur se transporte. Mais qu’arrivera-t-il si l’on met en même temps, dans la bouche de ces interlocuteurs des siècles passés, des allusions à des événements, à des mœurs, à des personnages modernes ? C’est de ces rapprochements disparates que je prétends parler ici. La Fontaine en fournit fréquemment des exemples ; et, loin de l’en blâmer, comme l’ont fait certains critiques, je crois qu’il est permis d’en rire, conformément à ses intentions. Dans une de ses fables, deux ânes se faisant compliment sur la beauté de leur voix, l’un d’eux dit à l’autre :
… Quant aux merveilles
Dont votre divin chant vient frapper les oreilles,
Philomèle est, au prix, novice dans cet art.
Jusque-là c’est fort bien ; mais notre Âne ajoute :
Vous surpassez Lambert…..
Voilà l’anachronisme plaisant, dans un récit où il s’agit d’un lion qui, pour bien gouverner ses sujets, se fait donner des leçons de morale.
Dans la fable intitulée le Singe et le Dauphin, qui rappelle au lecteur l’aventure d’Arion, le dauphin demande au singe, qu’il transporte sur son dos à travers les mers de la Grèce :
Êtes-vous d’Athènes la grande ?
Voici la réponse du singe, qui veut que le dauphin continue de le prendre pour un homme :
Oui, dit l’autre ; on m’y connaît fort.
S’il vous y survient quelque affaire,
Employez-moi, car mes parents
Y tiennent tous les premiers rangs :
Un mien cousin est juge-maire.
Ce cousin juge-maire, à côté d’Athènes et du Pirée, dériderait l’homme le moins enclin à rire.
Les canards emportant dans les airs la tortue voyageuse suspendue à un bâton, et lui proposant pour modèle les voyages et Ulysse, lui disent :
Nous vous voîturerons, par l’air, en Amérique.
Il eût été facile, et tout-à-fait dans l’ordre, de nommer une partie de l’ancien continent.
Ailleurs, un loup, se plaignant de la guerre que les hommes font à son espèce, dit d’abord :
Chiens, chasseurs, villageois s’assemblent pour sa perte ;
Jupiter est là-haut étourdi de leurs cris.
Puis il ajoute :
C’est par là que de loups l’Angleterre est déserte : On y mit notre tête à prix.
Ceci me rappelle ce charretier embourbé, que l’auteur nomme si poétiquement le Phaèton d’une voiture à foin, et qui invoque à son secours Hercule,…..
… Ce Dieu dont les travaux
Sont si célèbres dans le monde ;
le tout,
Dans un certain canton de la Basse-Bretagne,
Appelé Quimper-Corentin.
On sait assez que le destin
Adresse là les gens quand il veut qu’on enrage.
Dans une autre fable, où l’auteur introduit un païen impie et incrédule qui cherche à mettre en défaut l’oracle d’Apollon, il qualifie ainsi ce personnage :
Un païen qui sentait quelque peu le fagot.
Cette plaisanterie est tout-à-fait du genre de celles que nous venons de remarquer.
Dans la fable intitulée la Mouche et la Fourmi, où la Fontaine a fait entrer des détails si plaisants, quoique peut-être un peu forcés, il n’est personne qui n’ait pu faire le même genre de remarques. L’action se passe évidemment au temps du paganisme, puisque la mouche y parle de Jupiter, des sacrifices que l’on fait à ce dieu, des victimes dont elle goûte la première ; et pourtant les deux interlocuteurs n’en connaissent pas moins les mouches de cour, les mouchards de la police, et même les mouches de taffetas qu’appliquaient sur leur visage les petites-mat tresses du temps de la Fontaine.
On a relevé, je le sais, comme des fautes ou des négligences, une partie des traits que je viens d’indiquer. Chamfort en fait quelquefois de graves reproches à l’auteur, et parait croire que ces anachronismes sont involontaires. Quant à moi, sans prétendre les justifier tous sous le rapport du goût, je persiste à les regarder comme un moyen employé sciemment pour provoquer l’hilarité. Je ne doute point que la Fontaine ne considérât les rapprochements de cette espèce comme une source féconde de plaisant; et je crois qu’il avait raison. Les faiseurs de parodies, les auteurs de facéties et d’ouvrages travestis, ne manquent guère de tirer parti de ces sortes de disparates. On peut s’en convaincre en feuilletant leurs productions. Je me souviens, à ce propos, d’avoir ouï parler du travestissement d’une tragédie de Voltaire, représentée en temps de carnaval. Il s’agissait de la mort de César ; pièce très-familière aux comédiens bourgeois, parce qu’il n’y a point de rôle de femme. On y voyait Brutus entrer en scène avec un parapluie, et Cassius avec un manchon. Les conjurés prenaient ensemble le café, et fumaient leur pipe sur la scène. Antoine arrivait suivi d’un domestique à livrée, et retroussait sa robe pour tirer de son gousset une montre à répétition. César était coiffé en ailes de pigeon, poudré à blanc, avec la bourse ; et quand Brutus se jetait à ses pieds, les bras tendus vers lui, il l’interrompait en lui offrant du tabac.
Il y a de quoi demeurer confondu quand on songe qu’avant Voltaire et Lekain on allait voir très-sérieusement, au théâtre, des choses à peu près semblables ; que les héros de l’antiquité s’y produisaient avec l’habit français de l’époque ; et que les personnages de Cinna, des Horaces, de Britannicus, n’étaient guère autrement costumés que ceux du Tartufe, de l’Avare et du Misanthrope. Il faisait beau voir Horace en aiguillettes, Auguste et Pompée en pourpoint et en juste-au-corps, Andromaque et Phèdre en paniers et en engageantes ; Emilie et Sabine guindées sur des petits-talons. Un si grotesque accoutrement pouvait, au reste, assez dignement figurer près de la toilette des spectateurs choisis qu’on voyait alors encombrer la scène sur un triple rang de banquettes, et qui servaient de décoration aux palais des Atrides ou aux portiques des Césars.
Cet inconcevable oubli du costume, qui s’est continué bien plus tard chez nos voisins les Espagnols, fait voir jusqu’à quel point le goût peut plier machinalement sous l’empire de l’habitude ; il rappelle le ridicule non moins grand de certains peintres des anciennes écoles, qui donnaient à tous les personnages de l’histoire sacrée ou profane les allures, la mise ou les ajustements des hommes de leur temps et de leur pays, et qui n’auraient pas représenté différemment David et Charlemagne, Cléopâtre et Blanche de Castille, Alexandre de Macédoine et Procope le rasé.
Fin
- M. DECAMPE, un des quarante Mainteneurs. Recueil de l’Académie des jeux floraux – 1852 –