Autrefois Progné l’hirondelle,
De sa demeure s’écarta,
Et loin des Villes s’emporta
Dans un bois où chantait la pauvre Philomèle.
« Ma soeur, lui dit Progné, comment vous portez-vous ?
Voici tantôt mille ans que l’on ne vous a vue :
Je ne me souviens point que vous soyez venue,
Depuis le temps de Thrace, habiter parmi nous.
Dites-moi, que pensez-vous faire ?
Ne quitterez-vous point ce séjour solitaire ?
– Ah! reprit Philomèle, en est-il de plus doux ? »
Progné lui repartit : « Eh quoi ? cette musique,
Pour ne chanter qu’aux animaux,
Tout au plus à quelque rustique ?
Le désert est-il fait pour des talents si beaux ?
Venez faire aux cités éclater leurs merveilles.
Aussi bien, en voyant les bois,
Sans cesse il vous souvient que Térée autrefois,
Parmi des demeures pareilles,
Exerça sa fureur sur vos divins appas.
– Et c’est le souvenir d’un si cruel outrage
Qui fait, reprit sa soeur, que je ne vous suis pas.
En voyant les hommes, hélas !
Il m’en souvient bien davantage. »
Autre analyse:
Analyses de Chamfort – 1796.
V. 8. Depuis le temps de Thrace , etc. n’est pas une tournure bien poétique ni bien française : cependant elle ne déplait pas , parce qu’elle évite cette phrase : depuis le temps où nous étions ensemble dans la Thrace. (Philomèle et Progné)
Commentaires de MNS Guillon – 1803.
(1) Tout au plus à quelque rustique, La Fontaine a conservé à ce mot rustique l’acception substantive qu’il a dans les anciens auteurs. Il avoit déjà dit: c’est assez, dit le rustique ( Fable du Rat de ville et du Rat des champs ). Laïques et rustiques se confondoient autrefois et supposoient une égale ignorance, dans ces temps où, les ordres de la noblesse et du clergé étoient seuls en possession de la science. On en voit des témoignages fréquents dans Grégoire de Tours (voyez sa Préface), dans les écrivains d’après Lui et dans les poètes jusqu’au, seizième siècle. Alors la servitude, et l’ignorance faisoient l’apanage des vilains ou rustiques , c’est-à-dire, de ceux qui habitoient les campagnes, ou qui en avoient les mœurs.
(2) Le désert est-il fait, etc. Après avoir cité cette délicieuse tirade toute entière , M. Bernardin de Saint-Pierre ajoute : « Je n’entends pas de fois les airs ravissants et mélancoliques d’un Rossignol caché sous une feuillée…lire la suite