Pilpai
Il faut ménager ceux de qui l’on peut tirer honeur & profit
L’Ancien proverbe dit : les oyseaux d’un plumage
Prenent l’essor ensemble & mélent leur ramage.
Vous voiez separez, les grues, les vaneaux,
Le cigognes, les pans, les pics, les etourneaux.
Les corbeaux sont un corps ; & cete compagnie,
A du nom peu d’effets, au moins pas tant qu’on crie;
Dans leur commencement ils etoient merveilleux ;
Le tems les a changez, & ce ne sont plus eux :
Ces corbeaux autrefois passoient toute leur vie
A porter viande & pain aux Paul, & aux Elie ;
Presentement, ainsi que celui de Noé
S’ils sortent du vaisseau, c’est pour un corps noié.
Ce sont oiseaux de proie ; & cela, c’est tout dire :
Cete rage d’avoir a gasté leur empire.
Il leur faut des niais ; un Pirate corbeau
Pour restablir l’estat, desploie son panneau ;
Un Rossignol y donne. O la douce conqueste !
La troupe noire en fait le sujet d’une feste.
Ce chantre en divers lieux fait esclater cent fois
Les tons harmonieux de sa charmante voix.
On vient de tous costez pour le voir pour l’entendre
Chacun vient recevoir persone ne vient rendre.
C’est néanmoins cela que veulent nos oiseaux,
C’est pour cela qu’ils font fredonner leurs appaux.
La voix n’apporte rien, & fut-elle divine
Elle ne repait pas les oiseaux de rapine.
Le chantre ne sachant que chanter qu’enchanter,
Void ben que le piquet il faut ailleurs planter ;
Il s’envole, un grand Roi le reçoit dans sa Cage,
La cour judicieuse applaudit son ramage ;
Il mange le biscuit pendant que le corbeau
Creve presque de faim manque d’un bon appau.
“Pilpai – Il faut ménager ceux de qui l’on peut tirer honeur & profit”