Le roi des animaux se mit un jour en tête
De giboyer. Il célébrait sa fête.
Le gibier du Lion, ce ne sont pas moineaux,
Mais beaux et bons Sangliers, Daims et Cerfs bons et beaux.
Pour réussir dans cette affaire,
Il se servit du ministère
De l’Ane à la voix de Stentor.
L’Ane à Messer Lion fit office de Cor.
Le Lion le posta, le couvrit de ramée,
Lui commanda de braire, assuré qu’à ce son
Les moins intimidés fuiraient de leur maison.
Leur troupe n’était pas encore accoutumée
A la tempête de sa voix ;
L’air en retentissait d’un bruit épouvantable ;
La frayeur saisissait les hôtes de ces bois.
Tous fuyaient, tous tombaient au piège inévitable
Où les attendait le Lion.
N’ai-je pas bien servi dans cette occasion ?
Dit l’Ane, en se donnant tout l’honneur de la chasse.
– Oui, reprit le Lion, c’est bravement crié :
Si je connaissais ta personne et ta race,
J’en serais moi-même effrayé.
L’Ane, s’il eût osé, se fût mis en colère,
Encor qu’on le raillât avec juste raison :
Car qui pourrait souffrir un Ane fanfaron ?
Ce n’est pas là leur caractère.
Autre analyse:
Analyses de Chamfort – 1796.
Ce n’est point là une fable ; c’est une anecdote dont il est assez difficile de tirer une moralité.
V. 5 Une histoire des plus gentilles.
Quoique ce soit d’Esope que La Fontaine parle ici et non pas de lui-même, peut-être eût-il été mieux de ne pas promettre que l’histoire serait gentille : on le verra bien.
V. 33………….Chacune sœur. C’est le style de la pratique ; et ce mot de chacune , au lieu de chaque, fait très bien en cet endroit. (Testament expliqué par Esope)
Commentaires de MNS Guillon – 1803.
Phèdre, en donnant à cette histoire le nom de fable, fabuba, n’a pu l’étendre au-delà de son acception naturelle. Ce mot prenant son étymologie dans le verbe fari, parler, ne veut dire autre chose que récit d’un événement vrai on faux, peu importe. Quant les Latins veulent particulariser , ils ont soin, en général, de s’expliquer par une épithète qui ne laisse point d’équivoque.
Fictis nos jocari meminerit fabulis. Ainsi, bien que l’anecdote présente se trouve consignée dans un recueil de fables , il ne faut pas en conclure que le fonds en soit fabuleux. On n’y voit absolument rien , ni pour la nature du sujet , ni pour le caractère des acteurs, qui sorte du cercle des possibilités humaines. La Fontaine, en l’appelant une histoire, sembla infirmer qu’il ne la regardoit point comme un apologue.
Faudra-t-il, par une conséquence tout opposée, inférer que le fait est vrai ? Mais quels écrivains l’avoient transmis au siècle d’Auguste? Dans quels mémoires secrets Phèdre l’avoit-il puisé ? Est-ce bien là le style d’Esope ? du moins les écrivains qui ont forgé on copié le roman de la vie d’Esope, ont-ils été fidèles au costume ? C’est par des apologues que le prétendu père de l’apologue exprime cette haute sagesse dont on lui fait tant d’honneur. A quelle époque sera-t-il permis d’assigner son séjour à Athènes , sans y découvrir un absurde anachronisme ? En supposant même qu’Esope ait voyagé dans l’Attique, à quel titre aura-t-il parlé devant les Athéniens ? On sait qu’à Athènes un étranger qui se méloit dans rassemblée du peuple étoit puni de mort. ( Voyez Libanius , Déclam. 17 et 18.) C’est, ajoute l’auteur de l’Esprit des loi, qu’un tel homme usurpoit la souveraineté du peuple (Liv. II. ch. 2. ); et les Athéniens étoient aussi jaloux de la gloire de l’esprit que de leur souveraineté. Au reste, sans nous engager davantage dans une difficulté sur laquelle nous pourrons offrir à la curiosité du lecteur des discussions approfondies et des résultats nouveaux, dans un mémoire particulier, osons affirmer que l’anecdote présente n’est point à la vérité une fable , mais simplement une historiette imaginée par Phèdre, et traduite sans garantie par La Fontaine, qui a su en faire un chef-d’œuvre de narration. …lire la suite…