Eustache DESCHAMPS
Angoisses sont à moy de toutes pars
Quant les membres voy au chief revéler,
Et le chief voy sortir divers regars,
Et qu’il convient l’un à l’autre mesler,
Le père au fil, seignour son serf tuer,
Ville gaster, et destruire païs,
Par le défault de raison regarder ;
Merveille n’est se j’en suis esbahis.
Le chief ne doit des membres estre espars,
Mais le doivent nourrir et gouverner,
Et chief leur doit aprandre les doulz ars,
Et cautement sur ses membres régner.
Se ilz meffont il doit son droit garder
Moiennement, puisqu’ilz, se font subgis;
Se lors les veult jusqu’à mort subjuguer,
Merveille n’est se j’en suy esbahis.
Quant jambe et piet seront destruit et ars,
Que feront mains et bras au parler ?
Ventre mourra, li chiefs pour mille mars
Ne pourroit pas ses membres recouvrer;
L’un sanz l’autre ne puet longues durer :
Qui saiges est sur ces poins ait avis,
Car quant je voy sur ce pluseurs parler,
Merveille n’est si j’en sui esbahis.
Envoy
Prince, li chiefs doit ses membres amer,
Et contre droit ne les doit entamer,
Et le chief doit d’eulz tous estre obéis ;
S’il a besoing, ilz lui doivent aidier.
Mais quant je voy chief et membres troubler
Merveille n’est si j’en suis esbahis.
“Comment le chief et les membres doyvent amer l’un l’autre”
Voir la fable de Jean de La Fontaine “Les Membres de l’Estomac”