Un Loup tourmenté de la faim courait de tous côtés pour chercher quelque proie. Étant arrivé auprès d’une cabane, il entendit un enfant qui pleurait, et sa nourrice qui lui disait tout en colère : ” Taisez-vous ; et si vous ne vous apaisez, je vous donnerai à manger au Loup tout à l’heure. ” Le Loup croyant que la Nourrice parlait sérieusement, attendit longtemps auprès de la porte ; mais sur le soir il fut bien étonné lorsqu’il entendit la Nourrice caresser son enfant, et qui lui disait en le flattant : ” Mon fils, si le Loup vient ici, nous le tuerons. ” Le Loup se retira tout triste, et dit en s’en retournant : ” Les gens de cette contrée agissent tout autrement qu’ils ne parlent. “
” Le Loup et la Vieille “ – Un loup affamé rôdait en quête de nourriture. Arrivé dans un certain endroit, il entendit un petit enfant qui pleurait et une vieille femme qui lui disait : « Ne pleure plus, sinon je te donne au loup à l’instant même. » Le loup pensant que la vieille disait vrai, s’arrêta et attendit longtemps. Quand le soir fut venu, il entendit de nouveau la vieille qui choyait le petit enfant et lui disait : « Si le loup vient ici, nous le tuerons, mon enfant. » En entendant ces mots, le loup se remit en route en disant : « Dans cette ferme on parle d’une façon, on agit d’une autre. »
Cette fable s’adresse aux hommes qui ne conforment pas leurs actes à leurs paroles.
- Esope – VIIe-VIe siècle av. J.-C
La Mère et l’Enfant
Puisque les propos véritables
Ne sont ouïs, contons des fables :
Possible on les écoutera.
Esopet les fit par l’oracle,
Pour en riant faire miracle
En l’esprit qui les goûtera.
Un loup ayant fait une quête
De toutes parts, enfin s’arrête
A l’huis d’une cabane aux champs,
Au cri d’un enfant que sa mère
Menaçait pour le faire taire
De jeter aux loups ravissants.
Le loup qui l’ouït en eut joie,
Espérant d’y trouver sa proie,
Et tout le jour il attendit
Que la mère son enfant jette;
Mais le soir venu, comme il guette,
Un autre langage entendit :
C’est la mère qui d’amour tendre
Entre ses bras alla le prendre,
Le baisant amoureusement;
Avecque lui la paix va faire,
Et le dorlottant pour l’attraire
Lui parle ainsi flatteusement :
Nenny, nenny, non, non, ne pleure;
Si le loup vient, il faut qu’il meure;
Nous tuerons le loup s’il y vient.
Quand ce propos il ouït dire,
Le loup grommelant se retire
Céans l’on dit l’un, l’autre on tient.
- Jean-Antoine de Baïf- 1532 – 1589
Le Loup la Mère et l’Enfant
Ce loup me remet en mémoire
Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris:
Il y périt. Voici l’histoire:
Un villageois avait à l’écart son logis.
Messer Loup attendait chape-chute à la porte;
Il avait vu sortir gibier de toute sorte,
Veaux de lait, agneaux et brebis
Régiments de dindons, enfin bonne provende.
Le larron commençait pourtant à s’ennuyer.
Il entend un enfant crier:
La mère aussitôt le gourmande,
Le menace, s’il ne se tait,
De le donner au loup. L’animal se tient prêt,
Remerciant les dieux d’une telle aventure,
Quand la mère, apaisant sa chère géniture,
Lui dit: « Ne criez point, s’il vient, nous le tuerons.
– Qu’est ceci? s’écria le mangeur de moutons:
Dire d’un, puis d’un autre! Est-ce ainsi que l’on traite
Les gens faits comme moi? me prend-on pour un sot?
Que quelque jour ce beau marmot
Vienne au bois cueillir la noisette!»
Comme il disait ces mots, on sort de la maison:
Un chien de cour l’arrête; épieux et fourche-fières
L’ajustent de toutes manières.
«Que veniez-vous chercher en ce lieu?» lui dit-on.
Aussitôt il conta l’affaire.
«Merci de moi! lui dit la mère;
Tu mangeras mon fils! l’ai-je fait à dessein
Qu’il assouvisse un jour ta faim?»
On assomma la pauvre bête.
Un manant lui coupa le pied droit et la tête:
Le seigneur du village à sa porte les mit;
Et ce dicton picard à l’entour fut écrit:
«Biaux chires leups, n’écoutez mie
Mère tenchent chen fieux qui crie.»
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
“De la Nourrice et du Loup”