Ésope
Écrivain grec et fabuliste antiquité – Du Renard et du Bouc
Le Renard et le Bouc pressés de la soif, descendirent dans un puits. Après qu’ils se furent désaltérés, ils cherchèrent les moyens d’en sortir. Le Renard ayant rêvé quelque temps, dit au Bouc qu’il avait trouvé un bon moyen pour se tirer d’embarras l’un et l’autre. ” Il faut te dresser sur les pieds de derrière, et appuyer les deux cornes de devant contre le mur ; je grimperai aisément le long de ton dos ; et quand je serai hors du puits, je te donnerai du secours pour en sortir après moi. ” Le Bouc approuva la proposition du Renard, et se mit en posture pour lui faciliter la sortie. Mais quand le Renard se vit en assurance, il se mit à sauter de tous côtés, sans se soucier de l’embarras où était le Bouc, qui lui reprochait son indifférence et sa mauvaise foi, puisqu’il n’accomplissait pas les conditions de leur traité. ” Mon ami, lui dit le Renard en l’insultant, si tu avais autant d’esprit et autant de bon sens que de barbe, tu ne serais pas descendu dans ce puits, sans avoir auparavant songé aux moyens d’en sortir. “
Autre version
Le Renard et le Bouc – Un renard étant tombé dans un puits se vit forcé d’y rester. Or un bouc pressé par la soif étant venu au même puits, aperçut le renard et lui demanda si l’eau était bonne. Le renard, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, fit un grand éloge de l’eau, affirmant qu’elle était excellente, et il l’engagea à descendre. Le bouc descendit à l’étourdie, n’écoutant que son désir. Quand il eut étanché sa soif, il se consulta avec le renard sur le moyen de remonter. Le renard prit la parole et dit : « J’ai un moyen, pour peu que tu désires notre salut commun. Veuille bien appuyer tes pieds de devant contre le mur et dresser tes cornes en l’air; je remonterai par là, après quoi je te reguinderai, toi aussi ». Le bouc se prêta avec complaisance à sa proposition, et le renard, grimpant lestement le long des jambes, des épaules et des cornes de son compagnon, se trouva à l’orifice du puits, et aussitôt s’éloigna. Comme le bouc lui reprochait de violer leurs conventions, le renard se retourna et dit : « Hé ! camarade, si tu avais autant d’idées que de poils au menton, tu ne serais pas descendu avant d’avoir examiné le moyen de remonter. »
C’est ainsi que les hommes sensés ne doivent entreprendre aucune action, avant d’en avoir examiné la fin.
Ἀλώπηξ καὶ τράγος
Ἀλώπηξ πεσοῦσα εἰς φρέαρ ὑπ ‘ ἀνάγκης ἔμεινε. Τράγος δὲ δίψει συνεχόμενος ἐγένετο κατὰ τὸ αὐτὸ φρέαρ· θεασάμενος δὲ αὐτὴν ἐπυνθάνετο εἰ καλόν ἐστι τὸ ὕδωρ· ἡ δὲ τὴν συντυχίαν ἀσμενισαμένη εἰς ἔπαινον τοῦ ὕδατος κατέτεινε, λέγουσα ὡς χρηστὸν εἴη τὸ ὕδωρ, καὶ καταβαίνειν αὐτὸν παρῄνει. Ἐπεὶ δὲ ἀμελετήτως κατῆλθε διὰ τὴν ἐπιθυμίαν, ἅμα τῷ τὴν δίψαν σβέσαι μετὰ τῆς ἀλώπεκος ἐσκόπει τὴν ἄνοδον. Καὶ ἡ ἀλώπηξ ὑποτυχοῦσα εἶπε· Χρήσιμον οἶδα, ἐὰν μόνον θελήσῃς τὴν ἀμφοτέρων σωτηρίαν. Θέλησον οὖν τοὺς ἐμπροσθίους πόδας ἐρεῖσαι τῷ τοίχῳ, ὀρθῶσαι δὲ τὰ κέρατα, ἀναδραμοῦσα δὲ ἐγὼ καὶ σὲ ἀνασπάσω. Τοῦ δὲ πρὸς τὴν παραίνεσιν αὐτῆς ἑτοίμως ἐπακούσαντος, ἡ ἀλώπηξ ἀναλομένη διὰ τῶν σκελῶν αὐτοῦ καὶ τῶν ὤμων καὶ τῶν κεράτων ἐπὶ τὸ στόμα τοῦ φρέατος εὑρέθη καὶ ἀνελθοῦσα ἀπηλλάττετο. Τοῦ δὲ τράγου μεμφομένου αὐτὴν ὡς τὰς ὁμολογίας ἀθετήσασαν, ἐπιστραφεῖσα εἶπε τῷ τράγῳ· “Ὦ οὗτος, εἰ τοσαύτας φρένας εἶχες ὅσας ἐν τῷ πώγωνί σου τρίχας, οὐ πρότερον ἂν κατεβηβήκεις πρὶν τὴν ἄνοδον ἐσκέψω.”
Οὕτως καὶ τῶν ἀνθρώπων τοὺς φρονίμους δεῖ πρότερον τὰ τέλη τῶν πραγμάτων σκοπεῖν , εἶθ’ οὕτως αὐτοῖς ἐγχειρεῖν.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Cerf et le Renard
Un jour, un cerf ayant soif, descendit dans un puits et y but avec avidité ; mais quand il voulut remonter, il ne put y parvenir. Un renard le vit et lui dit : « 0 mon frère, tu as agi bien imprudemment, puisque, sans avoir réfléchi comment tu remonterais, tu es néanmoins descendu. »
Cette fable signifie
celui qui n’agit qu’à sa tête sans prendre de conseil.
- Luqman (Locman ou Loqman) XIe siècle av. J.-C.
Le renard et l’hyène
On raconte qu’un jour, ayant soif, le renard aperçut un puits sur la poulie duquel était fixée une corde munie d’un seau à chaque bout. Il s’assit dans un des seaux et fut entraîné au fond, où il se désaltéra.
Advint une hyène qui, regardant au fond du puits, crut distinguer un croissant de lune dans l’eau, et vit un renard tapi à côté.
-« Que fais-tu là-dedans ? » lui demanda-t-elle.
-« J’ai mangé la moitié de cette miche de fromage, lui dit-il, et il reste l’autre moitié pour toi ; descends donc la manger.»
-« Comment faire pour descendre ? » interrogea-t-elle.
-« Assieds-toi sur le seau du haut » dit le renard.
Elle s’assit dans le seau et son poids l’entraîna vers le fond, pendant que le renard montait dans l’autre seau.
Lorsqu’ils se rencontrèrent au milieu du puits, l’hyène demanda au renard :
-« Qu’est-ce que c’est cela ? »
-« C’est là que nos chemins divergent », répondit le renard.
Ce fut le début d’une inimitié que les Arabes considèrent comme proverbiale
- Al-Sharîshî – (XIIe. – XIIIe.)
- autres fables traduites par Fahd Thouma (ruedesfables.net)
Regarder la fin de son œuvre.
Ce n’est pas tout que commencer,
Il fault veoir sy la fin est bonne :
Car lors n’est pas temps d’y penser,
L’œuvre par la fin se couronne.
Le Regnard et le Bouc
Ung fin Regnard et ung Bouc s’en allerent
Boire en ung puys auquel ilz devalerent;
Après avoir bien beu leur saoul tous deux,
De leur sortir furent assez doubteux;
Mais le Regnard, garny de sa cautelle,
Dict à ce Bouc une parolle telle ;
” Prenons couraige aprés la paour receue;
J’ay advisé le poinct de nostre yssue ;
Fay mon conseil, ne le mectz en arrière ;
Sy tu te veulx sur tes piedz de derrière
Dresser debout et tes deux cornes joindre
Contre le mur, d’agilité non moindre
Qu’a ung bon Cerf, d’icy je saulteray,
Et, cela faict, dehors t’en jetteray.
” Le Bouc le creut, le Regnard dehors saulte,
Puis il reprint le Bouc de sa grand faulte
En le mocquant et luy niant secours,
Disant ainsi : « Sy tu eusses recours
A la prudence, au sçavoir et usaige,
Comme ta barbe en porte tesmoignaige,
Penser deyois, devant qu’entrer au puys,
Sy tu pourrois sortir comme je suis :
Car le prudent, le bien satge et bien fin,
De tous ses faictz il regarde la fin,
Et, quand il a en son esprit conceu
La fin du faict, il n’est jamais deceu,
Comme en tous artz dont la fin est pensée
Avant que soit quelque œuvre commencée. »
- Gilles Corrozet (1510 – 1568)
Le Renard et le Bouc
Tous deux au fond d’un puits taciturnes et mornes,
De s’assister l’un l’autre avaient pris le parti ;
Pour sortir le renard se haussant sur ses cornes,
Fit les cornes au bouc après qu’il fut sorti.
Il ne le paya pas même d’un grand merci.
Qui s’est servi de toi souvent en use ainsi :
Dans le puits beaux discours tant qu’on est nécessaire ;
Mais mon traité signé, le tien c’est ton affaire.
- Isaac de Benserade – (1612 – 1691)
Le Renard et le Bouc
Capitaine Renard allait de compagnie
Avec son ami Bouc des plus haut encornés.
Celui−ci ne voyait pas plus loin que son nez ;
L’autre était passé maître en fait de tromperie.
La soif les obligea de descendre en un puits.
Là chacun d’eux se désaltère.
Après qu’abondamment tous deux en eurent pris,
Le Renard dit au Bouc : ” Que ferons−nous, Compère ?
Ce n’est pas tout de boire ; il faut sortir d’ici.
Lève tes pieds en haut, et tes cornes aussi :
Mets−les contre le mur. Le long de ton échine
Je grimperai premièrement ;
Puis sur tes cornes m’élevant,
À l’aide de cette machine,
De ce lieu−ci je sortirai,
Après quoi je t’en tirerai.
− Par ma barbe, dit l’autre, il est bon ; et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
Je n’aurais jamais, quant à moi,
Trouvé ce secret, je l’avoue. ”
Le Renard sort du puits, laisse son Compagnon,
Et vous lui fait un beau sermon
Pour l’exhorter à patience.
” Si le ciel t’eût, dit−il, donné par excellence
Autant de jugement que de barbe au menton,
Tu n’aurais pas, à la légère,
Descendu dans ce puits. Or adieu, j’en suis hors ;
Tâche de t’en tirer, et fais tous tes efforts ;
Car, pour moi, j’ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d’arrêter en chemin. ”
En toute chose il faut considérer la fin.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
Le Renard et le Bouc
Un Bouc et un Renard descendirent dans un puits pour y boire, la difficulté fut de s’en retirer ; le Renard proposa au Bouc de se tenir debout, qu’il monterait sur ses cornes, et qu’étant sorti il lui aiderait. Quand il fut dehors, il se moqua du Bouc, et lui dit : ” Si tu avais autant de sens que de barbe, tu ne serais pas descendu là, sans savoir comment tu en sortirais. ”
Tomber entre les mains d’une Coquette fière,
Est un plus déplorable sort,
Que tomber dans un puits la tête la première,
On est bien fin quand on en sort.
- Charles Perrault – 1628 – 1703
Le renard et le Bouc
A S. E. le Marquis de la Romana
Dit le curé de mon village.
Or savez-vous ce que ce lutin dit?
Mes amis , il dit que le sage
En tout considère lu fin.
Maître Goupil, renard hypocrite et malin,
Voyageait un beau jour avec dom Capricorne,
Portant barbe d’hermite et respectable corne.
A travers les déserts tous deux allaient , dit-on ,
Vers le temple fameux de Jupiter-Ammon ;
Non pas que Goupil fût un dévot personnage ;
Mais le matois avait l’usage
De battre en tous lieux les chemins ,
Et de vivre aux dépens des pauvres pèlerins.
Le bouc, en cheminant; lui raccontait l’histoire
De Jupiter : J’ai, dit-il, cette gloire ,
D’être son allié : mon grand-père Egypan
Etait cousin germain de son fils le dieu Pan ;
Dans les archives de famille
J’ai la certaine histoire , à mon gré très-gentille ;
Je te la veux conter , le fait est très-certain,
C’est un miracle de Jupin , Mon cousin.
Dans les sables de la Lybie
Mon ayeul Egypan avait de grands troupeaux ,
Mais pour les abreuver il ne trouvait point d’eaux,
Tout serait mort de la pépie.
Il adressa ses vœux à Jupiter-Ammon ,
Et comme entre parens on s’oblige sans peine,
Jupiter fit sortir d’un roc une fontaine ,
En le touchant du bout de son bâton ;
Comment le trouves-tu ? — Certes le tour est bon ,
Un tel miracle à point nous viendrait, mon compère ,
Car j’ai soif, et grand’soif, et ne vois point d’eau claire ;
J’aperçois bien un puits. Implore tes parens ,
Les grands , les petits Dieux, les Pans , les Egypans,
Moi je songe au moyen de descendre dedans.
( Il court y regarder. ) Achève ta prière,
Mon cher bouc, dans ce puits j’aperçois ton grand-père ,
Avec moi , mon ami, viens le considérer.
Le bouc y court et, voyant son image ,
Crie au miracle, Eh ! vas doue embrasser
Ce respectable personnage ,
Lui dit maître Goupil, je te suis t descends donc.
L’archi-sot, bien qu’il eût de la barbe au menton
Descend. Notre renard suit et se de saltère.
Le dieu Pan était disparu.
Il est fantasque ton grand-père,
Mais grâce à lui nous avons bu ;
Il faut sortir d’ici. L’autre dit: comment faire ?
— Mets-toi là , je saurai te retirer d’affaire.
Des cornes, et du dos du. barbu compagnon.
Il vous forme une echelle, et de cette façon
Incontinent hors du puits il s’élance.
Et le cousin des dieux ? — le bouc ?…
Il reste au fond; Le renard par un beau sermon
Vous l’exhorte à la patience,
Et lui dit : Mon ami , le proverbe a raison ?
La Barbe n’est pas la prudence.
- Alexandre Coupé de Saint-Donat- 1775-1845 Du Renard et du Bouc