Passant, arreste un peu : sous ces vers, que tu lis,
Gisent de leur auteur les os ensevelis,
Qu’au bord de cette tombe, et tout prest d’y descendre,
Luy-même il composa pour en couvrir sa cendre :
Devoir triste et funebre à ses mênes rendu,
Qu’il n’a, comme tu vois, de nul autre attendu.
Des amis survivans l’oubliance ordinaire
Envers leurs amis morts l’obligea de le faire,
Sçachant bien qu’une fois estant party d’icy,
Les siens probablement en useroient ainsi.
N’attens pas néanmoins, passant, qu’il te convie
D’apprendre ses vertus, ny son nom, ny sa vie,
Ce qu’il fut dans le monde, ou ce qu’il ne fut pas,
La perte que son siècle a faite à son trépas,
Ny bref, comme en laissant la terre désolée,
Son ame glorieuse au ciel s’en est allée,
Nouvel astre, augmenter les feux du firmament:
Ridicules discours, jargon de monument,
Qu’il ne met point icy dessus sa sépulture,
Pour le faire passer à la race future;
Il en sçait trop l’erreur, et qu’en sincérité
Il n’a, maudit pécheur, nul honneur mérité.
Au contraire, sans cesse endurcy dans son crime,
De cent folles amours l’éternelle victime,
Et l’infâme jouet de mille vanitez,
Furent de son vivant toutes ses qualitez.
O qu’heureux mille fois le ciel l’aurait fait naistre,
S’il s’en fust corrigé, comme il les sceut connoistre!
Passe, va ton chemin, et t’asseure aujourd’huy
Que c’est prier pour toy, que de prier pour luy.
Epitaphe, Pierre Patrix – 1583 – 1671