Il est comme l’âne de Buridan.
Cela fie dit lorsqu’on veut désigner un homme qui se trouve embarrassé pour se décider d’un côte ou d’un autre, ou qui flotte entre deux partis. Ce sophisme» inventé, dit-on, par Buridan, artésien, un des plu* fameux philosophes du quinzième siècle, et qui pourrait bien n’être autre chose que le pont aux ânes de logique mentionné par Rabelais, liv. 2, chap. 28, a été une espèce de proverbe ou d’exemple qui a subsisté fort longtemps dans les écoles. On veut que ce soit proprement l’état d’un âne placé entre deux picotins d’avoine, dont rien ne le détermine à entamer l’un plutôt que l’autre. Peut-être ce singulier sophisme roule-t-il sur l’équivoque d’âne avec l’adverbe an, synonyme du laineux utrum des philosophes, représenté d’après le symbole du logicien Marc-Antoine de Passeribus, génois. (Voir la 25e Macaronée de Merlin Gocaie.) On peut croire de là que l’expression populaire, c’est le pont aux ânes, qui signifie un léger obstacle, propre à arrêter un homme simple et ignorant, veut exprimer tantôt un océan de ces an ou de ces utrumi dont on ne sait comment sortir, tantôt un répertoire de ces mêmes an ou atrum, avec des solutions ou des moyens de passer pardessus en tremblant, comme font les ânes sur un pont dont les ais mal joints leur laissent entrevoir l’eau qui coule dessous. C’est le sentiment du savant Clénard (voy. Bayle, au mot Buridan). On sait d’ailleurs qu’il fut un temps où le mauvais goût était porté à jouer sur les mots. Ceci me rappelle une anecdote qui a quelque analogie avec ce proverbe.
Un vieux feld-maréchal autrichien, ayant eu l’honneur d’être présenté à la reine de France Marie-Antoinette d’Autriche, femme de Louis XVI, ne parla tout le temps de sa présentation que de ses deux chevaux de bataille qu’il affectionnait. Un jour de réception, la reine, embarrassée sur le genre de conversation qu’elle devait avoir avec lui, lui demanda auquel de ses deux chevaux il donnait la préférence. Madame, répondit-il avec une gravité comique, si un jour de bataille j’étais monté sur mon cheval pie, je n’en descendrais pas pour monter sur mon cheval bai, et si j’étais monté sur mon cheval bai, je n’en descendrais pas pour monter sur mon cheval pie. Après un moment de silence, on parla des femmes de la cour; deux d’entre elles passaient pour être les plus belles ou les plus jolies. La reine demanda son avisa un des courtisans qui l’entouraient. Celui-ci, prenant l’air de gravité du feld-maréchal, et entamant sa formule, dit avec une lenteur affectée ; Madame, si un jour de bataille j’étais monté sur…..Assez, assez, lui cria la reine avec vivacité.
Que ferai-je aujourd’hui ? disait, en se levant,
Cléon l’irrésolu ; c’est ainsi qu’on le nomme.
Que faire ? Un sien ami, lui dit, en ricanant :
Si tu m’en crois, mou cher, tu feras un bon somme.
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