La Cagouye et le Robertâ
Ine cagouye avait dés petit cagouyat :
(De tieu sais poin combe qu’o y’at) ;
Mais o se passit à la Barde,
Cheû noût’ cher bon marquis, que je venon de parde !
Dan n’in mur dau jardrin alle avait fait son nic,
Tout au fin fond d’ine cabourgne.
In riguenit d’osiâ, qui teurchait in abric,
Keume in anguiye en ine bourgne,
S’y saquit beun. Follait que voér ses p’tit petâ.
Peur dire ; Ol é-t-in robertâ,
Tout in chaquin sait qu’ lés cagouye
Aman b’n à cauri, quant o mouye ;
Dans tieû mouman o mouyassait,
Et lés corne à l’égail, tiel’là se peurlassait.
Le marit seguait sa fumelle. »
As-tu vut tieûl osiâ, vieux, qu’a li dissit stelle ? »
— Oué, qu’i dit : s’i s’échappe, o s’rat poin in’ sarpen,
« Mais o s’rat b’n in asar seurman (1). »
Tieû vilain malingouin vous attrape ine palle :
I vous la fait bronsé de marde de cigale,
Et (follait beun avoér la caboche à l’envers)
Tieû sot ! bauchit-i pas le creux tout en travers.
Ses paure cagouyat aspérian leû bechée :
I-z avian biâ luché : Meuman, meuman, meuman !
« Veûris feire menan menan. »
Keume la fende était bauchée,
Tié cagouye (alle était pû maline qu’in cheun)
Entendit reun.
Leu p’pâ reuyait son souc, acoté cont’ in’ motte.
Quant le chétit oyut tarminé sa risotte,
I songit à ses cagouyat.
Heu ! ma grand foé ! des gens qu’o y at
Vous ferian bein migré la vie.
Sa borjoèse, qu’était b’n otout ine chétie,
Se mettit â brâyé ; mais beintoû, bounegen !
Tiellés cagouyat baziyan.
Le robeurtâ fazit sa keurve au mêm’ mouman.
V’là qu’in groû-t érisson, catit sous dés javelle ,
Se met à trotiyé, te croque tié fumelle,
Et sans teurché son tiure-den,
A son marit en fait autan :
Peux i meloune en retaunan :
« Lés chrétien ne teurchan reinsé qu’à s’pourté neûze.
«On’ peut cholé qu’o leu-z en keuse.
– I s’entendan pas meû q’ lés jau ;
« Mais l’ bon Guieu lés punit trejau. »
L’Escargot et le Roitelet ( traduction)
Une escargot femelle avait des petits escargotons.
(De cela je ne sais point combien il y a);
Mais çà s’est passe à la Barde,
Chez notre bon marquis, que nous venons de perdre.
Dans un mur du jardin elle avait fait son nid.
Tout au bas-fond d’un trou.
Un extrait d’oiseau qui cherchait un abri,
Comme une anguille dans une nasse,
S’y plongea bien. Il suffisait de voir ses petites mouchetures
Pour dire : C’est un roitelet.
Tout le monde sait que les escargots
Aiment fort à courir quand il pleut ;
Dans ce moment il pleuvait,
Et, les cornes à la rosée, cette escargotte se prélassait.
Le mari suivait sa femme.
« As tu vu cet oiseau, vieux? » lui dit-elle.
— « Oui, dit-il, s’il s’échappe, ce ne sera point un serpent,
« Mais ce sera un hasard, certainement (1). »
Ce vilain méchant vous prend une pelle,
Il l’emplit, au delà des bords, de gomme ;
Et (il fallait bien avoir la tête à l’envers),
Ce sot ne bouche-t-il pas le trou complètement.
Ses pauvres escargotons attendaient la becquée ;
Ils avaient beau crier : Maman! maman! maman!
Je voudrais manger.
Comme le trou était bouché,
l’escargote (elle était plus méchante qu’un chien)
N’entendit rien.
Leur père riait son soûl, appuyé contre une motte.
Quand le coquin eut fini de rire,
Il songea à ses escargotons.
Ah ! sur ma foi! il y a des gens
Qui vous font un enfer de la vie.
Sa femme , qui était bien aussi une malheureuse ,
Se mit à pleurer; mais bientôt, oh! pitié !
Ces escargotons expirèrent.
Le roitelet mourut en même temps.
Voilà qu’un gros hérisson, tapi sous des sarments,
Se met à trotter, te croque cette femme,
Et, sans chercher de cure-dents,
A son mari en fait autant.
Puis il marmotte en retournant :
« Les hommes ne cherchent qu’à se nuire.
« Peu importe qu’il leur en cuise.
« Ils ne s’entendent pas mieux que les coqs;
« Mais le bon Dieu les punit toujours. »
(1) Pour saisir ce jeu de mots, il faut savoir qu’en patois hasard et lézard se disent dé la même manière.