Dans l’Indoustan, an bon Rajah,
Bariolé de jaune,
Qu’on appelait, s’il m’en souvient,
Kurma, Avant son déjeuner taisait une ample aumône
Aux voyageurs sans toit, aux pauvres ses voisins.
Les pièces d’or coulaient de ses puissantes mains.
(Bienheureuse est la main qui s’ouvre
Pour fournir aux besoins que la pitié découvre.)
Au chemin de l’honneur, mourant dans un combat,
Kurna de ses trésors perdit enfin le reste.
Mais, pour récompenser leurs actions d’éclat,
Dieu fait entrer les siens dans le séjour céleste.
Là notre noble élu vit des montagnes d’or.
L’un des gardiens ailés de la voûte azurée
Lui dit : « Mon prince, à toi ces métaux sont encor;
« Tes dons se sont accrus dans le saint Empyrée.
» Mais du ciel le Rajah prenant possession,
Sentant la soif, la faim, après l’ablution
Commande à l’ange qu’on apprête
Un aliment béni, pour compléter la fête…
Son gardien répondit : « Si, lorsque, étant là-bas,
« Toi, riche, avais donné quelques joyeux repas
« A qui sentait lu faim et le besoin de boire,
« Ta douée charité, Kurma, tu peux m’en croire,
« Aurait bien centuplé, comme l’or, ce bienfait.
« Oh! ne demande point ce que tu n’as point fait.
« As-tu jamais, délaissant ta parure,
« Consolé l’affligé sous une tente obscure?
« Et ton cœur, se montrant digne d’un souverain,
« Des pauvres affamés apaisa-t-il la faim?
« – Mon ange, il me souvient qu’une maison bénite
« Offrait sa table sainte au brame voyageur;
« Un pauvre, un jour, me demanda ce gîte,
« Et je le lui montrai du doigt indicateur.
« — Oh! pour cette œuvre méritoire
« Kurma sera récompensé!
« Que ce doigt donc te donne à boire ! »
0 miracle! le doigt sucé
Fut une source délectable
D’un nectar pur, intarissable.
Et notre bon Rajah disait à son gardien :
« Si, pour avoir montré, mon ange, un seul refuge
« Au malheureux qui ne possédait rien,
« Je suis ainsi traité par mon souverain juge,
« Quel sera le bonheur du juste bienfaisant
« Qui convie à sa table un pauvre mendiant? »
“La Charité du Radjah”