Une chatte de haut lignage,
Qui descendait, dit-on, de Rominagrobis,
Ce général des chats, fameux par le carnage,
Qu’il fit autrefois des souris,
Avait pour sa voisine une chienne de race.
Elle aussi, de son côté,
Pouvait vanter sa parenté :
Son grand-père était chien de chasse
À la cour d’un prince danois.
Ces deux dames étaient ou se disaient amies,
Comme on en voit chez nous parfois,
Se visitant avec cérémonies,
Se débitant maintes choses polies,
Se déchirant après à belles dents,
Comme font encore bien des gens.
Un jour que la chienne en son gîte,
De la chatte avait la visite,
Un serviteur leur jette un os.
Adieu les compliments, adieu les doux propos ;
Chacune se précipite
Pour l’attraper au plus vite.
La chatte jure, en faisant le gros dos,
La chienne gronde, en lui montrant les crocs ;
Et bientôt de la menace
Aux coups de griffe, aux coups de gueule on passe.
Le combat fut des plus chauds.
Maint poil en resta sur la place,
Témoignant de leurs assauts.
Que de femmes je sais qui se disent amies !
Qu’entre elles survienne un débat,
Les voilà bientôt ennemies.
Elles s’aiment, c’est vrai, mais comme chien et chat.
“La Chienne et la Chatte”