La cigale ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau !
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelques grains pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
– Je vous rendrais, lui dit-elle
avant l’août, foi d’animal,
intérêt et principal.
La fourmi n’est pas prêteuse,
C’est là son moindre défaut.
– Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse,
– Nuit et jour, à tout venant,
Je chantais, ne vous déplaise.
– Vous chantiez ? J’en suis fort aise.
Et bien ! Dansez, maintenant !
La cigale fort docile,
Sans plus se formaliser,
Se mit de suite à danser.
Elle était coquette, agile,
Et sut charmer le public
Par sa grâce et par son chic.
La cigale bienheureuse,
Ne comptant plus les succès,
Devint première danseuse
A l’opéra des forêts.
Elle eut bientôt sa voiture
Et fit fort belle figure.
Ses atours et ses joyaux
Charmaient tous les animaux.
Lors advint qu’une rivière
Inonda la fourmilière.
La fourmi tendit la main
Sur le rebord du chemin.
Dans sa pressante fringale,
Elle implora la cigale,
Qui lui dit de prime abord :
– Finissez vos patenôtres.
Que faisiez-vous pour les autres,
Quand vous aviez un trésor ?
– Économe et prévoyante,
J’entassais en butinant.
– Vous entassiez, ma charmante ?
Et bien ! Crevez maintenant !
“La cigale et la fourmi”, Aurélien Scholl.