Baron de Ladoucette
Homme politique, poète et fabuliste XVIIIº – La Mouche éphémère
Un jour, sous la verte coudrette,
Le perroquet superbe allait se pavanant,
Criait, sifflait à tout venant :
« Admirez l’or dont se pare ma tête ;
L’opale, l’émeraude, ornent mou noble sein ;
Un rayon du soleil dans mon œil étincelle,
Et ma serre et mon bec brisent jusqu’à l’airain ;
J’étale le saphir en déployant mon aile ;
Mon corps est nuancé des couleurs de l’Iris,
Qu’embellit la topaze, où brille le rubis. »
Près de lui la colombe, à Paphos toujours chère,
Ignorant de son col l’éclatante blancheur,
De ses pieds, de son bec l’incarnat enchanteur,
Douce, simple et modeste (heureux dons pour nous plaire !)
Sur un arbre attendait son jeune et tendre amant ;
Il ne l’a quittée un instant,
Que pour lui rapporter l’insecte ou la bruyère.
L’oiseau malin n’a jamais pu se taire ;
A la colombe il dit, d’un air coquet :
« C’est charme de te voir ; oui, foi de perroquet.
Tu fixes pour long-temps mon humeur trop légère ;
Il n’est beauté qu’en un sombre bosquet
Ne divertisse mon caquet ;
De ta mélancolie on saura te distraire.
Je t’éprouvai vingt fois ; rien ne chasse l’ennui
Comme de disserter sur les défauts d’autrui,
Et je te conterai la chronique secrète
D’une vive perruche, autrefois ma conquête. »
— Il va tout révéler, lorsque sans nul détour,
Notre colombe ose lui dire :
« Je ne conçois pas ton amour. »
» Épargne tant de soins ! lorsque j’entends médire,
» Tout en plaignant l’erreur,
» Je sens qu’on me perce le cœur.
» Eh ! ne connais-tu rien qu’on aime ou qu’on admire ?
» Rien qui puisse exciter un innocent sourire ?
» Ton discours me serait le baume le plus doux. »
« Tu veux railler, adieu ; je vole à mon époux. »
Ô vous, qui, folâtre ou crédule,
D’un complaisant aveu payez les médisants,
Leur malice en vous-même épie un ridicule
Dont le public bientôt s’amuse à vos dépens.
Baron de Ladoucette, La Colombe et le Perroquet