Pierre Louis Solvet
Homme de lettres, écrivain et analyses des fables – La Cour du Lion
Études sur “La Cour du Lion” de La Fontaine, P. Louis Solvet – 1812
1. Fagotin, c’était le singe de Brioché, le montreur de marionnettes de la porte de Nesle. Molière lui a fait également l’honneur de le nommer :
Là, dans le carnaval, vous pourrez espérer
Le bal et la grand’bande, à savoir deux musettes,
Et parfois Fagotin et les marionnettes…
Le Tartuffe, acte II, scène III.
Un jour, dit-on, ayant eu l’imprudence de faire une trop laide grimace au nez de Cyrano, ce grand bretteur le prit pour un laquais minuscule et l’abattit d’au coup d’épée. Cette mort tragique donna lieu à une facétie intitulée : Combat de Cyrano de Bergerac contre le singe de Brioché. L’opuscule et l’anecdote pourraient bien n’être qu’un badinage destiné à railler l’humeur querelleuse de Cyrano ; mais la méprise de celui-ci paraîtra pourtant un peu moins incroyable quand on connaîtra le signalement et le costume du fameux singe. Voici comment le représente l’auteur du Combat de Cyrano : « Il était grand comme un petit homme et bouffon en diable. Son maître l’avait coiffé d’un vieux vigogne dont un plumet cachait les fissures et la colle ; il lui avait ceint le cou d’une fraise à la Scaramouche ; il lui faisait porter un pourpoint à six basques mouvantes, garni de passements et d’aiguillettes, vêtement qui sentait le laquéisme ; il lui avait concédé un baudrier d’où pendait une lame sans pointe. » Ainsi équipé, Fagotin fit courir tout Paris, pendant la première partie du règne de Louis XIV. Les littérateurs s’occupèrent beaucoup de lui. Furetière, dans son Roman bourgeois, raconte d’une coquette achevée qu’elle devint amoureuse d’un musicien fort laid. « L’amour, ajoute l’auteur, de baladin qu’il était, le métamorphosa en singe, et il conserva avec un peu de sa première forme toute sa laideur et toute son agilité. Ce singe vint depuis au pouvoir d’un bateleur, qui le nomma Fagotin. L’animal surprit merveilleusement grand nombre de badauds, en dansant, comme il faisait, sur la corde; car ils ne se doutaient nullement qu’il eût appris ce métier durant qu’il était homme, amoureux, et violon. »
Fagotin devint un nom générique, celui de tout singe de bateleur et de montreur de marionnettes.
Colère – Vers sans rime, précédé de trois rimes masculines de suite. L’abbé Aubert proposait de mettre :
Le singe approuva fort cette action sévère ;
ce qui aurait fait disparaître les trois rimes masculines, et donné une rime au mot colère.
Caligula – Caligula mit sa sœur Drusille au rang des divinités, et sévissait également contre ceux qui pleuraient sa mort et contre ceux qui ne la pleuraient point; les premiers parce qu’ils insultaient, suivant lui, à son apothéose ; les seconds parce qu’ils étaient insensibles à sa perte. (Dion. Cass., Hist, lib. LIX ; Sueton., Caligula, 24.)
Normand – Ce qui signifie, de ne dire ni oui ni non. De cette réputation qu’ont les Normands est venu un autre proverbe : « Un Normand a son dit et son dédit. »