La Cour du Lion : commentaires et analyses du texte de MNS Guillon – 1803.
(1) Sa majesté Lionne , etc. Le Lion est le roi-né des animaux. Que le génie développe ce germe fécond : Majesté est l’attribut et le protocole des rois. Sa majesté Lionne Royauté suppose des sujets; et le mode de leur convocation en général, quel est-il?
Il manda donc par députés
Ses vassaux de toute nature,
Envoyant de tout les côtés
Une circulaire écriture
Avec son sceau,
Veut-on particulariser cette assemblée ? elle devient cour plénière, avec ses pompeuses ouvertures, avec ses jeux , ses tours de Fagotin , c’est-à-dire, de singe ; et le palais du monarque un Louvre. Mais pour ramener son lecteur à son sujet ; quel Louvre un vrai charnier.
Le mot charnier (dépôt de chairs livrées à la mort) caro data neci), présente une idée tout autrement funèbre que celui de cimetière. Ce dernier offre dans son étymologie l’image du sommeil , l’autre celle de lambeaux dégoûtants et putrides que la mort vient d’arracher à la vie.
(2) L’envoya chez Pluton faire Le dégoûté.
Le poète s’est parfaitement identifie avec ses personnages. On remarque dans ce vers une teinte de cette ironie froidement cruelle, dont nos Tibères modernes ont fait plus d’une fois le style familier de leurs décrets de mort.
(3) Et flatteur excessif, etc. Toutes les anciennes éditions écrivent ainsi ces vers :
L’envoya chez Pluton faire le dégoûté.
Le Singe approuva fort cette sévérité.
Et, flatteur excessif, il loua la colère etc. .
Il manque un vers qui puisse rimer avec ce dernier. M. Coste s’est mis à la torture pour expliquer cette omission, comme s’il pouvoit y avoir de bonnes, raisons contre un oubli. Seroit-il injuste de croire que La Fontaine portât dans la composition de ses ouvrages la même préoccupation d’esprit que dans la société ? Dire que’ le poète a omis ce vers tout exprès, et l’en justifier, c’est briser la seule barrière qui sépare la prose de la versification française, et ramener notre poésie à son antique barbarie. D’après Montesaut (édit. de 1757 ), nous avons coupé le vers l’envoya chez Pluton, etc. De cette manière ,la rime est rétablie ; mais nous convenons que la variante n’est pas plus heureuse que cette addition :
Par une extrême ardeur de plaire proposée par M. Coste. «
(4) Ce Monseigneur du Lion-là,
Fut parent de Caligula, Les Romains enchaînés sous le joug de ce monstre couronné, disoient sans doute, quand ils n’étoient pas entendus : Ce n’est pas à un homme que nous obéissons , mais à une bête féroce ; et pour eux Caligula étoit un lion. Transportez la scène dans les forêts, et faites des Romains un troupeau de moutons : le Lion sera un Caligula, ou quelqu’un de sa famille.
_ M. l’abbé Aubert a dit d’après La Fontaine:
Ce Monseigneur Léopard-là. ( L. VII. fab, 5.)
(5) Et tâchez quelquefois de répondre en Normand. A double sens. Est-il des cas où la dissimulation soit permise? Ce n’est pas un petit mérite de savoir plaire aux princes, Principibus placuisse vins non ultima laus est, a dit Horace : mais jamais aux dépens de la vérité. Ce vice dans la, morale est la seule tâche qui dépare cette excellente fable.