Étienne Fumars
Poète et fabuliste XVIIIº – La Duchesse et son fils au Moulin
Couvant son fils des yeux, folle de son air fin,
De son caquet, de sa figure,
De ses petits talents, de ses défauts enfin,
Une duchesse, un jour, venait voir un moulin,
Ouvrage curieux d’une habile structure.
Elle y venait pour venir, je vous jure,
Sans trop savoir pourquoi, comme ailleurs, sans dessein
Tel on y voit aller l’animal peu malin
Qu’à présent nos beautés aiment tant pour monture.
Dans des chars découverts elle amène à grand train
De femmes et d’oisifs nombreuse compagnie.
Notre petit docteur jasant comme une pie,
Minaudier comme un singe, et déjà baladin,
(Un grand sait en naissant jouer la comédie)
Les occupa fort bien pendant tout le chemin.
On arrive ; chacun contemple la machine,
Bâille, n’y comprend rien, s’écrie : elle est divine !
La mère, qui trouvait son fils bien plus divin,
Avait sur lui fixé sa vue ;
— Comme il est attentif ! Si je ne suis déçue,
Marquis, dit-elle à son voisin,
Il cherche à l’expliquer, c’est sûr ; il l’étudie ;
Paix, paix donc !… A six ans ! Il annonce un génie…!
Voyez-le ; sans manger, d’ici jusqu’à demain,
Il serait là, je gage. Elle dit, et soudain
Notre prodige, qui s’ennuie,
Frotte ses yeux, se tourne : —Ah ! maman, j’ai bien faim.
Étienne Fumars, La Duchesse et son fils au Moulin