Sur la réalité malheureux qui s’appuie !
Ah ! plutôt embrassons quelque fraîche utopie,
Ayons notre marotte, agitons nos grelots.
Pour le cœur des amants, pour l’âme des poètes
La vie est un miroir aux brillantes facettes…
Il ne faut pas souffler sur leurs prismes si beaux.
Ni jeter de nuage entre leurs silhouettes…
Elle était vieille et folle, et les petits enfants
Tout le long du chemin la suivaient, triomphants.
Elle, fière au milieu de ce bruyant cortège.
Disait : « Mes bons amis, c’est moi qui vous protège :
Les plus grands empereurs redoutent mon pouvoir;
J’ai des palais d’azur, je suis reine du monde… »
Les passants curieux s’arrêtaient pour la voir.
Elle traînait en pompe une livrée immonde,
Une robe fangeuse et de noirs oripeaux ;
Des plumes ondoyaient sur son chapeau de paille.
Sa droite balançait un sceptre de roseaux.
Longtemps elle dansa dans la foule qui raille,
Et les passants émus glissèrent dans sa main
Quelques pièces de cuivre et des miettes de pain.
Pauvre femme ! parmi tant de riants mensonges,
Parmi tant de puissance et de félicité
Dont l’optique en ton cœur déroule les doux songes,
Seule, ton indigence est une vérité.
0 vous, sages du siècle, ô vous. fils d’Épidaure,
Qui traitez son erreur de folles visions,
Ah ! laissez-lui son rêve et ses illusions,
Car, rêver au bonheur, c’est du bonheur encore!…
“La Folle, fable de Lachambaudie”