La Fumelle et la Poule, en patois Saintongeais
Dedjadja ou emraa – Lokman
Ine fumelle de Jarnat,
At oyut, diâb’ m’essarte, ine poulette négre.
L’ai vuse.. keume in cheun a te la fazait ségre ,
Reinsé qu’ en t’ li montran sa dorne o b’ son bissat.
D’dan le creux d’ine vieye traine
Tié poule pounait, bounegen!
In œu tanseurman chaâ semaine….
Ol é vrai qu’ol était in œu de boun argen.
J’ai poin vut tiellés œu ; mais j’ai vut tié poulette,
0 faut donc bein qu’o sége vrai.
Sauve à ché d’aut’ cocot, peur feir’ dés amelette,
‘L é keum’ tielle que veux dés poul’, quant’ j’en arai.
Bref, in biâ matin tié fumelle
Dissit, « Ah ! stelle, veûris beun
« Avoér de tiellés œu s’man peur empli ma grelle :
« Après tieu, demanris pû reun.
« Tié poule, qu’a dissit, o faut que je la gouge,
« Peur qu’a poune in œu châ matin. »
A s’ébouge, ma fi, s’ébouge…
De garouil prend in picotin,
Vat au niv… oh ! ‘1 é vrai qu’a gougit bein sa poule ;
Peur force a li duvrait la goule :
A la gougit, ma fi ! gougit, gougeras-tu,
Si beun qu’all l’envoyit, boun’gen ! à Mouyeku (1).
Dau despeux n’en ai pas vut ine de tié race.
Dam ! après ça, peut beun Qu’o ne set pas coumun ;
Mais j’ai vut bein dés gens dire : Qui trot embrasse
Ne tint reun.
La Femme et la Poule ( traduction)
Dedjadja ou emraa. Lokman.
Une femme de Jarnac
A eu, diable me déchire, une poule noire.
Je l’ai vue. Comme un chien elle la faisait suivre.
Rien qu’en lui montrant son giron ou son bissac.
Dans le trou d’un vieux soliveau,
Cette poule pondait, la pauvre !
Un œuf seulement chaque semaine.
Il est vrai que c’était un œuf de bon argent.
Je n’ai point vu ces œufs; mais j’ai vu cette poule,
Il faut donc bien que ce soit vrai.
Sauf à chercher d’autres œufs pour faire des omelettes,
C’est comme celle-là que je veux des poules,quand j’en aurai.
Bref, un beau matin cette femme
Dit : « Ah ! dit-elle, je voudrais bien
« Avoir de ces œufs, seulement pour emplir mon tamis.
« Après cela, je ne demanderais plus rien.
« Cette poule, dit-elle, il faut que je la gorge,
« Pour qu’elle ponde un œuf chaque matin. »
Elle se hâte, ma foi, se hâte;
De mais elle prend un picotin,
Va au nid,.. Oh! c’est vrai quelle gorgea bien sa poule.
Par force elle lui ouvrait le bec:
Elle la gorgea, ma foi, gorgea, gorgeras-tu,
Si bien qu’elle l’envoya, hélas! à Mouille-cul (1).
Depuis je n’en ai pas vu une de cette race.
Dame ! après cela, il se peut bien
Que ce ne soit pas commun ;
Mais j’ai vu bien des gens dire : Qui trop embrasse
Ne tient rien.
(1) Mouyeku,ou Mouille-Cul, était le nom de l’ancien cimetière de Jarnac.