La Génisse, la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion
La Génisse, la Chèvre, et leur sœur la Brebis,
Avec un fier Lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis,
Et mirent en commun le gain et le dommage.
Dans les lacs de la Chèvre un Cerf se trouva pris.
Vers ses associés aussitôt elle envoie.
Eux venus, le Lion par ses ongles compta*,
Et dit : “Nous sommes quatre à partager la proie. ”
Puis en autant de parts le Cerf il dépeça ;
Prit pour lui la première en qualité de Sire :
“Elle doit être à moi, dit-il ; et la raison,
C’est que je m’appelle Lion :
A cela l’on n’a rien à dire.
La seconde, par droit, me doit échoir encor :
Ce droit, vous le savez, c’est le droit du plus fort
Comme le plus vaillant, je prétends la troisième.
Si quelqu’une de vous touche à la quatrième,
Je l’étranglerai tout d’abord. ”
Autres analyses:
- La Génisse, la Chèvre et la Brebis…analysée par C. Hygin-Furcy
- La Génisse, la Chèvre, et la Brebis en… de La Fontaine analysée par A. de Closset
Commentaires de Chamfort – 1796
Voilà certainement une mauvaise fable que La Fontaine a mise en vers d’après Phèdre. L’association de ces quatre personnages est absurde et contre nature. Quel besoin le lion a-t-il d’eux pour chasser ? Ils sont eux-mêmes le gibier qu’il cherche.
Si Phèdre a voulu faire voir qu’une association avec plus fort que soi est souvent dangereuse ; il y avait une grande quantité d’images ou d’allégories qui auraient rendu cette vérité sensible. Voyez la fable du Pot de terre et du Pot de fer. (La Génisse, la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion)
Analyses de MNS Guillon – 1803
(1) Leur sœur, par la conformité des goûts et des habitudes.
(2) Firent société, etc. Le fabuliste Richer accuse le défaut de vraisemblance d’une telle société ,Le Lion ne peut admettre pour compagnons de sa chasse, les animaux mêmes dont il fait son gibier. «Voilà certainement, conclut Champfort, une mauvaise fable que La Fontaine a mise en vers d’après Phèdre.» On voit par ces mots : Dit-on, au temps jadis, que notre poète a voulu couvrir le vice du fonds.
(3) Dans tes lacs ( filets ) de la Chèvre un cerf se trouva pris. « Le cerf peut-il être la pâture de ces animaux ?» Richer, Préface des Fables.
(4) Vers ses associés aussitôt elle envoie. La bonne-foi de la Chèvre contraste bien avec la perfide voracité du Lion.
(5) En qualité de Sire. Dans la Satyre ménippée, le sieur de Rioux, après avoir raconté ses brigandages , ajoute : Il me suffira que m’appelliez Sire ( T. I.p. 1o3). (La Génisse, la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion)