Par une grande sécheresse,
Une grenouille, à sec dans ses roseaux,
Accusait Dieu de tous ses maux,
Et lui disait, dans sa détresse :
Providence, qu’avons-nous fait ?
Qui peut exciter ta colère
Contre l’engeance grenouillère,
Et la priver de ton plus grand bienfait ?
Nous périssons, comme l’herbe flétrie,
Quand tu pourrais, par une pluie,
Ra fraîchir ce riant vallon,
Et nous rendre à la vie en bénissant ton nom.
Elle se tut ; mais la cigale,
D’un autre ton s’adressait au Seigneur.
Point d’eau, dit-elle, ah! quel bonheur !
La Providence se signale :
Nos: chants auront touché les cieux;
Ce brillant Soleil nous l’atteste,
Et, par la puissance céleste,
Il nous rend au bonheur en comblant tous nos vœux»
Elle en aurait dit davantage,
Quand soudain nn épais nuage
Inonda les vallons, bois, les alentours
Et fit cesser ce beau discours.
La cigale, alors irritée,
Maudit les dieux quoique bien abritée.
La Grenouille, au contraire, en faisant un plongeon,
S’écria : que le ciel est bon !
Nous contenter, c’est difficile;
L’un demande la pluie, et l’autre le beau temps :
Pour accorder nos vœux, nos divers sentiments,
Dieu même est inhabile.
“La Grenouille et la Cigale”