Nicolas Grozelier
Littérateur et fabuliste du XVIIº – La Mère et ses Enfants
Une Mère avait trois Enfants
Qu’elle aimait chacun d’amour tendre.
Elle tâchait, dans leurs amusements ,
De pénétrer, leur humeur, leurs penchants,
Pour juger ce qu’un jour elle en devait at tendre.
En leur mettant quelquefois sous les yeux
Les simulacres des faux Dieux,
Elle disait : à qui, par préférence,
Si vous étiez venus dans ces temps d’ignorance,
Auriez-vous brûlé votre encens ?
Si j’étais né, dit l’un, dans ces malheureux temps,
J’aurais servi Phébus , l’auteur de la science.
Et moi j’aurais rendu mon hommage à Plutus,
Dit l’autre, sans détour : il donnait la richesse.
Le troisième répond : j’eusse adoré Vénus ,
C’est la mère de la tendresse.
Vous jugez, bien qu’à ces discours
La maman ne se tut : la morale eut son cours,
Faible contre-poison ; inutile éloquence :
Chacun dans l’âge mûr suivit pour la finance ,
Pour les plaisirs, les arts, les premiers sentiments,
Qui s’étaient formés dès l’enfance.
La mère en fut pour ses enseignements.
Nicolas Grozelier