Une Montagne en mal d’enfant
Jetait une clameur si haute,
Que chacun au bruit accourant
Crut qu’elle accoucherait, sans faute,
D’une Cité plus grosse que Paris :
Elle accoucha d’une Souris.
Quand je songe à cette Fable
Dont le récit est menteur
Et le sens est véritable,
Je me figure un Auteur
Qui dit : Je chanterai la guerre
Que firent les Titans au Maître du tonnerre.
C’est promettre beaucoup : mais qu’en sort-il souvent ?
Du vent.
Autre analyse:
Analyses de Chamfort – 1796.
V. 8. Dont le récit est menteur, Et le sens est véritable.
Toutes les fables , quand elles sont bien faites , doivent être dans le même cas , et cacher un sens vrai sous le récit d’une action inventée. D’où vient donc La Fontaine n’applique-t-il cette réflexion qu’à l’Apologue actuel ? Serait-ce qu’une montagne prête d’accoucher lui aurait paru plus contraire à la vraisemblance qu’une lime qui adresse la parole à un serpent ? Cela serait une grande bonhommie.
V. 14. Du vent.
Ce vers de deux syllabes fait ici un effet très-agréable ; et on ne peut exprimer mieux la nullité de la production annoncée avec faste. (La Montagne qui accouche).
Commentaires de MNS Guillon – 1803.
(1) Rabelais : « La mocquerie est telle que de la Montaigne d’Horace, laquelle crioit et lamentoit énormément comme femme en travail d’enfant. A son cry et lamentation, accourut tout le voisinage, en expectation de voir quelque admirable et monstrueux enfantement; mais enfin ne nasquit d’elle qu’une petite Souris ». Horace a renfermé ce sujet dans un seul vers , qui est un modèle inimitable de précision et d’harmonie imitative. Le ridiculus mus a été imité par La Fontaine dans ces derniers mots: Mais qu’en sort-il souvent ?
Du vent.
Peut-être Boileau est-il aussi précis qu’Horace, mais moins pittoresque :
La Montagne en travail enfante une Souris. (Art. Poé t. ch. 3.)
La fable de Boursault est plus chargée en description : ce n’étoit point une saillie, c’étoit un tableau que son genre exigeoit de lui. Hagedorn , pour se donner plus de carrière, imagine une espèce d’ordre composite ; et il faut lui savoir au moins gré d’avoir reculé les bornes de l’art. Nous avons eu déjà occasion de parler de cette fable.