Jean François Haumont
Militaire, poète et fabuliste XVIIIº – La Minaudière surannée
Dans son printemps, Orphise était jolie :
Sous le non charmant de Julie,
Elle affectait le ton mignard et précieux,
L’air enfantin et les roulements d’yeux :
En minaudant, on croit se rendre plus aimable.
Les flatteurs, pour faire leur cour,
L’applaudissaier, la trouvaient admirable.
Dans l’âge heureux des grâces, de l’amour,
Ridicule n’est rien, tout paraît agréable :
On a beaucoup d’amants, très-peu de vrais amis ;
La vérité se tait, le flatteur est admis.
Le temps rapide et son ravage,
Sur le beau sexe impunément
Se retrace profondément:
Le teint se fane, et les rides et l’âge,
Malgré tout l’art, frappent les yeux:
Les efforts sont fastidieux ;
La jeunesse n’est plus, elle s’enfuit, ne laisse
Du souvenir de tant d’attraits,
Que les regrets
Et la tristesse.
Orphise, hélas ! sur le retour,
Ne pouvant plus fixer les amants et l’amour,
Conservait toujours l’habitude
Du parler doucereux, et de l’air enfantin.
Chacun en la voyant, par le souris malin,
L’ironie et la turpitude,
De cette surannée amplement se moquait ;
Par-dessus tout, le sexe enchérissait.
Quoi! disait Araminte, en cheveux gris coquette !
Croit-elle encor être dans son printemps ?
Comme autrefois, conquérir les amants ?
Tous les secours de la toilette
Font mieux ressortir sa laideur;
Elle se met à faire peur !
Ses airs, son ton, et ses minauderies,
Semblent-ils pas autant de singeries ?
Céphise poursuivait: elle me fait pitié !
Des rides sur son front, peignent l’extravagance
Du langage imité de la naïve enfance.
Si pour elle j’avais tant soit peu d’amitié,
Je lui dirais . . . . mais non, il me vient un scrupule ;
Quand on se donne en ridicule,
Tout naturellement nous devons le saisir.
La critique pour nous est un charmant plaisir.
Sur le retour, même au printemps de l’âge,
Méprisez l’affectation :
Le naturel est toujours de saison ;
Dans tous les temps il fut le modèle du sage.