Etudes et analyses des fables de La Fontaine, La Montagne qui accouche, Louis Moland,1872.
Fable X. La Montagne qui accouche. Phaedr., IV, 23. — Ugobardi Sulmonensis, 25.
Horace, traduisant un proverbe grec, avait dit en un vers :
Parturient montes, nascetur ridiculus mus.
Rabelais s’est emparé de l’image : « La mocquerie est telle que de la montagne d’Horace, laquelle crioit et lamentoit énormément comme une femme en travail d’enfant. A son cry et lamentation accourut tout le voisinage en expectation de veoir quelque admirable et monstrueux enfantement, mais enfin ne nacquist d’elle qu’une petite souris. » (Liv. III, eh. xxiv.)
Boileau a traduit Horace :
La montagne en travail enfante une souris.
Art poétique, ch.
Le poète allemand Hagedorn refait la fable de La Fontaine :
” Dieux! secourez-nous! Hommes, fuyez! une montagne en travail va accoucher. Elle jettera autour d’elle, avant que l’on soit sur ses gardes, et le sable et les rochers. — Suffénus sue, il rugit, il écume. Rien ne peut calmer sa noble fureur. Il frappe des pieds, il grince des dents. — Pourquoi ? — Il rime, il veut couvrir Homère de honte. — Mais voyons : que résulte-t-il de part et d’autre? — Suffénus enfante un sonnet et la montagne une souris. »
Lessing donne cet apologue comme un exemple de ce qu’il appelle une fable composée, une fable à deux compartiments, si l’on peut s’exprimer ainsi. Nous en avons déjà rencontré une précédemment : le Coq et la Perle (livre I, fable xx). A ces exemples, Lessing ajoute le suivant :
« On reprochait à la lionne qu’elle ne mettait qu’un petit au monde : Oui, un seul, répondit-elle, mais c’est un lion.
— Je fais sept tragédies dans un an, disait à un poète un rimeur enflé de vanité; mais vous, une en sept ans!
— Oui, une seule, répondit le poète, mais c’est Athalie. »
Nous avons ici l’idée inverse et la contre-partie de la montagne qui accouche.