Louis Tremblay, l’Esope chrétien
Du temps, ce grand marcheur, petit réglementaire.
Une montre, échappée aux mains de l’ouvrier.
Que la veille il venait d’achever, de parfaire,
Encor toute polie et reluisante et claire
Dans ses rouages d’or et ses pivots d’acier,
S’en allait roulant par le monde,
Disant, répétant à la ronde :
« Ce que chacun admire et prise en moi,
Mon mouvement, mon éclat et ma vie,
Cet ordre auquel rien ne dévie,
C’est à moi seule, à moi que je les doi.
Cet horloger duquel on parle et que l’on cite,
C’est un vieux rêve, un préjugé chenu
Duquel on est bien revenu,
Grâce à la lumière subite
Qui brille en nos jours à l’œil nu,
Et dont seul notre siècle hérite…
La science l’a dit, l’horloger, c’est un mythe! »
— A la place de l’instrument
Mettez l’homme du jour, et vous aurez au juste
Ce qu’il pense et dit justement
De l’ouvrier céleste, auguste
Dont il porte à son front et le signe et le sceau,
Dont il est l’œuvre et la matière,
Dont il reçoit le pain et la lumière ! (1)
— Pauvre être qui, dès le berceau
Jusqu’à ce que la tombe et s’entr’ouvre et le prenne,
Ne vit pas un seul jour sans que Dieu le soutienne !
“La Montre”
(1) Pierre-Joseph Proudhon (est un polémiste, journaliste…) qui a eu le courage de dire tout haut ce qui beaucoup pensent tout bas, n’a-t-il pas écrit : « Dieu, s’il existe, est essentiellement hostile à notre nature, et nous ne relevons aucunement de son autorité.»
L’insensé a dit dans son cœur ; Il n’y a point de Dieu.
(David, L. II, 2.)