Commentaires sur La Mort et le Mourant par MNS Guillon – 1803.
- La Mort et le Mourant.

(1) La mort ne surprend point le sage, etc. Pourrait-on ne pas reconnaître dans ce prologue le langage de la raison et de la vérité , puisqu’il se retrouve tout entier dans les écrivains divers qui les ont étudiées avec le plus d’application et de succès ? Lisez Sénèque, dans son traite de la Brièveté de la Vie, particulièrement au chapitre III : ce sont les mêmes pensées revêtues des mêmes expressions. Faudra-t-il en conclure que La Fontaine ait eu sous les yeux ces excellents originaux ? On sait bien qu’il aimait à s’entretenir avec Plutarque, Sénèque , Moutaigne , Charron, autant qu’avec les autres écrivains moins graves, qu’il a achevé d’immortaliser en les imitant. Mais les propositions qui ouvrent ou terminent ce bel apologue, étaient-elles d’un ordre si relevé, quel le seul génie de notre auteur ne put les atteindre ? Et pour inspirer à tous ces philosophes un langage uniforme, ne suffit-il pas d’ un livre antérieur à toutes les écoles, ouvert à tous les yeux, du livre de la nature et de l’expérience ?
(2) Un jour le monde entier accroîtra sa richesse. Ce vert est beau l’image en est grande et terrible, l’expression forte et noble. Addisson fait dire la même chose à Caton d’Utique, dans son fameux monologue.
(3) Et, puisqu’il faut que je le die, au lieu de que je le dise. Fréquent dans les auteurs français, jusqu’à Molière. Voyez la scène du Madrigal, dans les Femmes savantes, et celle de l’impromptu, dans les Précieuses ridicules ( act. I. sc. 9). Clément Marot : Vous voulez faire, et ne voulez qu’on die, ( Epître aux Dames de Paris.)
(4) Au pied levé, dit-il? etc. Ce dialogue parait encore imité de L’Alceste d’Euripide. ( Act. II. sc. 1. T. III. du Théâtre des Grecs, du P. Brumoy, p. 146.)
(5) Quand tout faillit en toi. Voilà ce que Fontenelle appelait envoyer ses bagages en avant.
(6) On sortit de la vie, ainsi que d’un banquet. Depuis les Egyptiens, qui environaient des images de la mort leurs tables de festins , les philosophes de tous les âges out rendu très familière cette riante association de ce qu’il y a de plus lugubre avec les gracieuses idées de banquet, de convive, etc. Qui ne connait ce beau vers de Lucrèce : Car non ut vita ? plenus conviva recedis ? Horace l’a imité par cette expression uti conviva satur, dans la première de ses satyres. Le philosophe Epictete a présente la même pensée, sous les mêmes couleurs; et dans d autres climats, elle s’était également offerte à l’imagination du fabuliste Pilpay.
(7) Vois ces jeunes – il faudrait on substantif à ce mot on ne dit pas plus des jeunes , qu’un vieux.
(8) A des morts , il est vrai, etc. Celles que les gens de guerre rencontrent souvent à la fleur de leur âge. Que de beaux vers dans cette fable, et comme ils sont beaux ! surtout ce dernier : Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret. (La Mort et le Mourant fable)