Avianus Flavius
Poète romain, fabuliste antiquité – La vie d’Avianus
Chenu, Jules (18..?-1864) Les fables d’Avianus.
On ne sait à quelle époque appartient Flavius Avianus, autour de quarante-deux fables envers élégiaques, dédiées à un personnage désigné sous le nom de Théodose. Cannegieter prétend qu’il a dû vivre sous les empereurs Antonin le Pieux et Marc Aurèle (1), et voici les inductions sur lesquelles il fonde son opinion. Dans sa préface a Théodose, notre auteur, qui passe en revue les fabulistes qui l’ont précédé, ne fait aucune mention de Julius Titianus; or, ce Titianus, qui a traduit ou imité après Phèdre les fables d’Ésope, et qu’Ausone cite dans son Épitre XVI à Promis, a certainement vécu, comme le démontre Cannegieter, sous les empereurs Caracalla, Macrin et Héliogabale (2). Si donc Avianus ne cite aucun fabuliste entre lui et Phèdre, si Titianus, assez peu éloigné de ce dernier, n’est pas nommé dans la Préface, il en résulte, selon le docte commentateur, la preuve qu’Avianus a paru postérieurement A Phèdre, mais antérieurement à Titianus. Wernsdorf n’admettant pas cette conclusion, nous croyons devoir donner ici le résumé de son opinion, la plus plausible, peut-être, qu’aient présentée les savants :
L’assertion de Cannegieter, dit-il, ne repose sur aucun fondement solide ; car les inductions sur lesquelles il l’appuie, ne soutiennent pas un examen sérieux. D’abord, Cannegieter suppose que, dans sa Préface, Avianus a voulu donner la nomenclature de tous les fabulistes qui avaient paru jusqu’à lui; ensuite, il donne une raison tout à lait gratuite de l’omission du nom de Titianus dans celte même Préface.
Examinons le premier point.
Avianus, pour relever le genre de composition qu’il a choisi, vante le renom et l’autorité d’Ésope, qui, le premier, écrivit des fables, sur l’avis que lui en donna l’oracle d’Apollon. Les sages ont fait la plus grande estime de ses apologues : les uns les ont intercalés dans leurs ouvrages pour servir d’exemples, les autres les ont traduits ou imités en vers; parmi les derniers, Avianus cite Socrate et Horace; parmi les seconds, Babrius et Phèdre. On le voit, il ne s’agit pas ici d’une liste exacte et chronologique des anciens auteurs qui ont écrit des failles à l’imitation de celles d’Ésope : celte nomenclature eut été plus complète et présentée d’une tout autre manière, si Avianus eût réellement voulu la foire. Il ne considère point Socrate et Horace comme des fabulistes proprement dits, mais comme des philosophes qui se sont servis de ces apologues parce qu’ils leur ont paru propres à mieux faire comprendre leurs sages leçons. Il a soin de distinguer des philosophes et de citer à part Babrius et Phèdre, qui ne se sont point bornés à reproduire dans leurs écrits quelques-unes de ces fables, mais qui en ont traduit un assez grand nombre en vers ïambiques, et en ont formé des recueils spéciaux ; et il ne cite à litre de fabulistes que ces deux auteurs qui ont écrit en vers, parce qu’il veut s’autoriser de leur exemple pour faire mieux accueillir ses imitations en vers élégiaques. Des lors, il est facile de se rendre compte du motif pour lequel il n’a pas jugé à propos d’accoler le nom de Titianus à ceux de Babrius et de Phèdre. Passons maintenant au second point.
Ausone, dans l’Épitre à Probus citée plus haut, atteste que Titianus a traduit en latin et en prose les fables d’Ésope qu’un ancien poète grec avait déjà reproduites en vers. Donnons ici le passage de cette épître :
« Voici les Apologues que t’envoie, des bords du Rhin, Ausone, Italien par le nom, précepteur de ton Auguste; ce sont des tri-mètres ésopiques, traduits d’un style simple et arrangés en humble prose par Titianus, l’artisan de discours .
Ces apologues en vers ïambiques trimètres que Titianus a traduits, suivant Ausone, sont incontestablement, et de l’aveu même de Can-negieter, ceux de Babrius. Si donc Tilianus, sans composer lui-même de nouveaux apologues, n’a fait simplement que traduire en latin et en prose les vers grecs de Babrius, n’est-il pas évident qu’Avianus, après avoir nommé ce dernier, n’avait aucune raison de citer Titianus, simple copiste qui, à ses yeux, ne se distinguait pas de l’auteur original, et que, par conséquent, il ne pouvait ni ne devait compter parmi les vrais fabulistes? De cette manière, on s’explique sans peine le motif pour lequel Avianus n’a pas prononcé le nom de Titianus, motif que les paroles et l’intention de l’auteur rendaient déjà clair et évident. Ainsi croule l’échafaudage de raisonnements sur lequel Cannegieter s’étaye pour fixer l’époque où vécut Avianus.
Nous ne discuterons pas ici d’autres objections assez graves que, malgré tous ses efforts, le docte commentateur n’a pas réussi à écarter. Par exemple, ce nom de Flavius qui précède celui d’Avianus et qui était jadis un nom de famille, n’a été qu’assez tard employé comme prénom. Cannegieter lui-même en convient, et les particuliers n’ont pu se l’approprier qu’à peu près à l’époque de Constantin ; celui de Théodose (sous lequel est désigné le personnage à qui notre auteur adresse sa Préface), tout à fait de composition grecque, n’a guère appartenu à un Latin avant Théodose le Grand. Eh bien, ces noms, qui sont comme le signe et la marque caractéristique du siècle où doit, selon nous, avoir vécu Avianus ne s’opposent-t-il pas invinciblement à ce que l’on reporte cet auteur jusqu’au règne des Anto-nins? Cannegieter emploie tous les moyens imaginables pour rapprocher le style d’Avianus de celui qui était en usage sous ces empereurs, pour effacer les taches si nombreuses et si variées qui déparent son ouvrage; malheureusement, dans la plupart des cas, tous ces trésors d’érudition deviennent inutiles; ces élucubralions laborieuses ne donnent aucun résultat ; et, après tant de corrections impossibles, la simple inspection du texte soi-disant amendé ou restauré d’Avianus, laisse apercevoir au lecteur, même le plus inattentif, l’insuffisance de l’auteur et la médiocrité, pour ne pas dire la faiblesse du style, qui trahissent un siècle de décadence.
Mais pourquoi fermer les yeux à la vérité qui se présente d’elle-même? Pourquoi, au lieu de suivre les commentateurs dans des recherches non moins oiseuses que pénibles, n’adopterions-nous pas l’opinion qui paraît la plus plausible, et qu’a déjà confirmée la grande majorité des savants : celle qui range Avianus, qu’il ne faut pas confondre avec Avienus, son contemporain, parmi les écrivains du siècle de Théodose le Grand, et qui veut que le Théodose à qui sont dédiées ces fables, ne soit autre que Macrobe Théodose le grammairien, auteur des Saturnales?
Si Avianus, en s’adressant à Macrobe, qui, dit-on, était revêtu de la charge de préfet de la chambre impériale, emploie ces expressions un peu familières, Theodosi optime, il n’y a rien là qui doive étonner; nous ne connaissons ni la position ni les emplois d’Avia nus, qui, peut-être, n’était pas d’un rang inférieur à Macrobe; et l’eût-il même été, il est évident que, dans cette circonstance, il ne considère dans Macrobe que le savant et l’ami, abstraction faite de toute dignité. Dans sa Préface, en effet, il marque assez clairement qu’il n’a pas d’autre intention, en lui offrant son livre, que de faire un agréable cadeau au savant littérateur; et le jugement qu’il porte de ce Théodose convient parfaitement à Macrobe le grammairien : « Qui s’aviserait, dit-il, de s’entretenir de prose ou de poésie avec vous qui, dans les deux genres, l’emportez à la fois sur les Grecs et sur les Romains, par la connaissance approfondie de leurs langues et de leurs ouvrages? » Ausone, d’ailleurs, n’en use point autrement, quand il écrit à Probus, préfet du prétoire, sur quelque sujet littéraire; comme s’il avait complètement oublié la haute dignité de son correspondant, il l’interpelle avec le même ton de familiarité : Probe, vit oplime.
Au reste, en songeant que l’auteur de ces fables a été l’ami de Macrobe, une idée se présente tout naturellement : c’est que peut-être, son véritable nom était Flavianus, car c’est aussi celui d’un des interlocuteurs des Saturnales de Macrobe. Ce nom, qui se sera trouvé dans les anciens manuscrits, ne peut-il avoir été mal à propos coupé en deux par les copistes, de manière à former de Flavianus le double nom Fl. (Flavius) Avianus ?
” Dans le quatorzième siècle, dit M. Walckenaër, et entre les années 1355 et 1347, un anonyme traduisit en vers français dix-nuit fables d’Avianus, et un plus grand nombre de l’anonyme latin dont Gaufredus fut l’éditeur. Cette version, qui porte le titre d’Ysopet Avion-net, est, comme les fables de Marie, à rimes plates et en vers de huit syllabes… Après l’invention de l’imprimerie, le Frère Julien Macho ou Machaut, des Augustins de Lyon, traduisit en prose et en langue vulgaire (en 1484) le recueil qui contenait l’anonyme latin donné par Gaufredus, les fables d’Aviennet et celles de Pierre Alphonse. »
Malgré nos recherches dans les bibliothèques de Paris pour nous procurer la traduction de Frère Julien, qui est aussi citée dans la Biographie de Delandine, nous n’avons pas été assez heureux pour trouver ce volume, qui est, dit-on, de format in-folio. Cette traduction probablement ne nous eût pas été d’un grand secours, mais nous eussions été heureux de pouvoir donner ici son titre exact, ne fût-ce qu à titre de curiosité bibliographique.
J. CHENU.
Extrait de “La vie de Phèdre” – La vie d’Avianus traduite par Levasseur et J. Chenu. Paris 1864 .
(1) De 158 à 180 de l’ère chrétienne.
(2) De 211 à222.