Nicolas François de Neufchâteau
Un nocher, jeune encor, parcourt la mer Egée,
Mitylène, à ses yeux, fuit dans l’éloignement.
Au sein de l’humide élément,
De la ville, avec art, l’enceinte est prolongée,
Et de ses ponts hardis le coup d’œil est charmant.
Toutes voiles dehors, il veut cingler bien vite
Vers le port dont l’aspect le séduit et l’invite.
Enfin, près d’y surgir, quelle surprise ! hélas !
Un porte-voix lui crié : « Imprudent ! n’entre pas.
« De Sapho la belle patrie
« Est toujours, dans l’été, par la peste flétrie.
« Du siroc désolant le souffle lui fait tort.
« On a si mal choisi l’assiette de la place,
« Qu’on n’y peut habiter que par le vent du nord. »
A ces mots, tout change de face;
Le nocher revire de bord.
Vous formez un lien, vous prenez une charge;
Ne vous décidez pas sur le premier coup d’œil !
L’éclat trompe ; et, souvent, on ne connaît l’écueil
Que lorsqu’il n’est plus temps de regagner le large.
“La ville de Mytilène”