Une jeune abeille dormait
Dans le sein d’une fleur nouvelle ;
Tandis que l’essaim travaillait,
Elle faisait la demoiselle ;
Et, loin d’apporter du butin
À la commune hôtellerie ,
Elle y vivait, mais de larcin,
En mettant de ses sœurs à profit l’industrie.
« Ecoute , écoute, mon amie –
Dit-elle un jour à l’une de ses sœurs ,
Pourquoi tant travailler F passons gaîment la vie ,
Hantons les calices des fleurs…
Mais pour jouir. » L’âme toute ravie ,
De cette sœur facile elle se voit suivie.
Une troisième a le même penchant.
Le lendemain dix , trente , cent
Bourdonnent dans les prés en bande réjouie ;
Pour du miel, point : c’est leur moindre souci-
C’en était fait de cette république ,
Si Ton n’eût vite pris le plus sage parti.
A mettre un frein au vice avec soin on s’applique.
Des plus guerrières sœurs on forme un escadron ;
Il est placé près de la citadelle ;
La plus vaillante est sentinelle.
Phébus descend sur l’horizon :
Chantant, la joyeuse cohorte
Arrive, et veut forcer la porte.
Sur elle tout-à-coup fond le noir bataillon.
Jamais Romain mutin ne périt de la sorte.
Aucune n’échappa. — Nous méritons ce sort ,
Dit une abeille en recevant la mort.
Elle fut un peu tard rendue à la sagesse.
Souvent de grands malheurs naissent de la paresse.
“L’Abeille paresseuse”